Les invités : Jalal Toufik, Psychiatre, directeur de l’hôpital universitaire psychiatrique Arrazi de Salé, Fouad Mekouar, Membre de l’Association marocaine pour l’appui, le lien, l’initiation des familles des personnes souffrant de troubles psychiques (AMALI), Hachim Tyal, Psychiatre et psychanalyste et Reda Mhasni, psychologue clinicien
Les chiffres sur la santé mentale des marocains sont alarmants à plus d’un titre. Et cela va du regard de la société marquée par la stigmatisation et la marginalisation, à une prise en charge assez problématique et très discutable.
Selon le ministère de la santé, près de la moitié des marocains souffrirait de troubles psychiques. Entre dépression, bipolarité, schizophrénie et autres troubles, la situation est jugée grave. Le dossier avait, il est vrai, été présenté pour prioritaire par le ministère, mais force est de constater que les résultats peinent à se faire ressentir.
Il est vrai aussi, par ailleurs, que le retard à rattraper est grand. De longues années où le trouble psychique et la maladie mentale ont été perçus et vécus par les familles comme une malédiction, une honte. La bataille n’est d’ailleurs, à ce niveau, toujours pas gagnée. Il se dit que les mentalités sont plus difficiles à changer que l’ordre politique.
70% des personnes atteintes par une maladie mentale doivent observer une période d’internement. Difficile quand on sait qu’au Maroc, les établissements psychiatriques manquent cruellement d’infrastructures adaptées, d’équipements spécialisés et de personnel qualifié. Au niveau de la capacité d’accueil, la moyenne mondiale est de 4,36 lits pour 10.000 habitants. Nous en sommes bien loin. Pour le personnel soignant, la moyenne mondiale est de 3,96 médecins pour chaque 10.000 habitant. Nous en sommes, là encore, bien loin. La situation est à plaindre dans les grandes villes du royaume ; alors que dire des régions éloignées.
En 2012, le ministère de la Santé s’était engagé à doubler les capacités d’accueil pour passer à 3.000 lits et, par ailleurs, à former 30 psychiatres et 185 infirmiers spécialisés. Le ministère s’est aussi engagé à ouvrir trois nouveaux hôpitaux psychiatriques régionaux, en plus d’une dizaine de services intégrés aux structures hospitalières déjà existantes et de quatre unités de pédopsychiatrie. Le tout à l’horizon 2016. Nous y sommes, mais où en sommes-nous ? Nous ferons le point avec nos invités.
Autre point à aborder dans le débat, le coût des prestations médicales psychiatriques. Dans certains milieux où la tradition est encore de « cacher » une personne atteinte d’un trouble mental, la cherté des prestations médicales n’est-elle pas un facteur de plus poussant vers la thérapie traditionnelle plutôt qu’aux techniques de la médecine moderne ?
Pourquoi la psychiatrie est-elle encore le parent pauvre de la médecine? Le budget alloué à la santé mentale est-il suffisant et, par ailleurs, la santé mentale est-elle uniquement un problème de budget? Comment arriver à une meilleure prise en charge des malades? Les malades mentaux sont-ils condamnés à perdre leur dignité en même temps que leur santé ? C’est le débat que nous ouvrons avec nos invités cet après-midi dans Avec Ou Sans Parure.
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