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21 dinars et quelques deniers


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En septembre, lors de fouilles dans l’abbaye de Cluny menées par une équipe d’archéologues du CNRS, un coup de pelleteuse a provoqué une pluie de pièces et découvert un trésor inattendu. Les scientifiques étaient nez à nez avec un sac enfoui depuis huit siècles. Ils y comptent 2 200 deniers et obole en argent, en majorité émises par l’abbaye de Cluny.

Car, oui, il fut un temps où les religieux, à l’instar de certains temples de l’Antiquité, battaient monnaie. Mais jusqu’ici, on ignorait que c’était aussi le cas à Cluny. Dans la même besace ont été retrouvés 21 dinars en or frappés entre 1121 et 1131 en Espagne et au Maroc, sous le règne du calife almoravide Ali Ben Youssef. Rien de bien étonnant, au fond, si l’on connaît quelques bribes d’histoire en général et du lieu en particulier.

L’abbaye bénédictine fut fondée au nord de Lyon au Xe siècle, et directement rattachée au Pape. Elle a été un centre d’échanges commerciaux et intellectuels important. Malheureusement, ce n’était pas l’apogée du savoir occidental latin. Loin de là. Ainsi, l’abbé de Cluny Pierre le Vénérable, en 1142, commanda la première traduction en latin du Coran. Peu fiable, s’il en est, elle fut rédigée par quatre hommes qu’il rencontra lors d’un voyage à la cour — chrétienne — d’Espagne, en quête de fonds pour son abbaye.

Pensant réfuter une hérésie, l’abbé diabolise grossièrement l’islam et son prophète. Remanié au fil du temps, le texte restera la principale source européenne jusqu’au XVIIIe siècle, et le début de la colonisation. Pierre le Vénérable a par ailleurs laissé à la postérité un autre pamphlet, contre le judaïsme, celui-ci. C’est une attaque contre le Talmud si violente qu’elle porte la fort peu glorieuse responsabilité d’avoir été la première à dénier la qualité d’êtres humains aux juifs, qui subissaient alors les premiers pogromes européens, par effet collatéral des premières croisades.

Pour nos archives, soulignons qu’à la même époque, Bernard de Clairveaux, autre bénédictin et qui a prêché pour ces croisades croyant Jérusalem en danger, avait, lui, très vite dénoncé les massacres de juifs — ainsi que l’abbaye de Cluny, qu’il n’estimait pas suffisamment fidèle à la règle de Benoît.

Bref, quoi de surprenant dans la présence de quelques dinars à Cluny ? A-t-on, tant que ça, oublié que les voyages et les échanges — à défaut d’une connaissance réciproque — ont existés de tout temps ? Au moyen-âge, le ou les califats étaient à la Méditerranée ce que l’empire américain est aujourd’hui au monde : la puissance militaire dominante, appuyée sur une économie marchande intercontinentale et florissante.

Bien sûr, l’Europe latine ne lui semblait pas de grand intérêt et l’Islam regardait plutôt du côté de l’Orient. Il a notamment ramené d’Inde les chiffres dits maintenant arabes ; et de Chine, la soie et la bureaucratie impériale : les fonctionnaires.

Certes, il ne s’agissait pas de tourisme de masse. Mais enfin, le problème du tourisme de masse, c’est qu’il est un peu à sens unique, celui des charters. Dans l’autre sens, celui des pateras, le journal Der Tagesspiegel dénombre 33 293 réfugiés morts. Le 9 novembre, il en a publié la liste, de 48 pages, avec les noms et les histoires qu’il a pu exhumer. Le 9-11 est une date clef de l’histoire allemande moderne : d’abord, celle de la proclamation de la République de Weimar, en 1918 ; puis de l’échec du putsch d’Adolf Hitler à Munich, en 1923 ; et enfin de la chute du Mur de Berlin, en 1989. Si seulement ce 9 novembre pouvait être un augure…

En 2002, le duo américain The Black Keys publiait son premier album, The Big Come Up, qui lui a ouvert une carrière devenue internationale. À l’heure du numérique triomphant, les deux musiciens avaient tout enregistré en analogique dans leur garage, sur un magnétophone huit pistes. La critique et un public plutôt underground ont chaudement salué le son de blues vintage, comme dans ce Heavy Soul.


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