Four, one, nine. 419. C’est le numéro de l’article du Code pénal nigérian sous lequel tombent ces agissements. Ils en ont tiré leur nom de Fraude 419, avec celui de « nigerian scam », ou « d’arnaque nigériane ». Elle a fait fureur dans les boîtes mails, de la fin des années 90 au milieu des années 2000. Un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… On recevait un message signé du fils ou de la fille d’un milliardaire d’une région troublée du Continent. Le riche personnage étant emprisonné — injustement, cela va sans dire.
Le présumé rejeton disait chercher une bonne volonté qui l’aiderait à remettre la main sur un pactole paternel faramineux. En récompense de votre grandeur d’âme, il vous était promis un pourcentage substantiel de tous ces millions de pétrodollars dormants sur un compte aux îles Caïmans, ou ailleurs. Seul hic, cela nécessitait de fournir à votre interlocuteur vos coordonnées bancaires complètes, avec codes d’accès affairant. Ou bien, dans un mode plus simple, de lui transférer « un peu » d’argent pour débloquer une situation imprévue. Qui allait elle-même connaître autant de rebondissements que de fois où vous aurez envoyé de l’argent…
La célébrité de cette escroquerie devînt telle que beaucoup de Nigérians finirent par s’agacer d’y être systématiquement associés. On peut les comprendre. Ceux de leurs compatriotes qui sont indélicats ne sont pas les seuls à s’y être adonnés. La Côte d’Ivoire ne fut pas en reste durant sa guerre civile, et quelques Marocains sont eux-mêmes très efficaces dans le domaine ces derniers temps… Et puis, si l’invention est impossible à dater et à attribuer, il n’est qu’à se souvenir des lettres de Jérusalem. Nul lien avec la Palestine, ni avec les subventions américaines perçues par Tel-Aviv, non. Bien sûr que non. Mais c’est qu’au lendemain de la Révolution française, à côté de Paris, longeant la prison de Bicêtre — où étaient rassemblés les futurs bagnards —, se trouvait une rue de Jérusalem, avec son bureau de Poste. De là partaient des lettres, donc, de prisonniers, mais signées, typiquement, de « l’ancien majordome » de quelque vicomte ou marquis célèbre pour avoir perdu la tête sur l’échafaud dans des conditions soit épouvantables, soit rocambolesques, soit un peu des deux. Par le truchement de sa missive, le « valet de chambre » demandait au destinataire de l’aider à retrouver le fabuleux trésor de l’aristocrate, dont, par le plus grand des hasards et autres providentielles vicissitudes de l’histoire, il avait connaissance de la cachette.
Eugène-François Vidocq, l’ancien bandit devenu chef de la Sûreté nationale sous la Restauration, détaille ces Lettres de Jérusalem dans ses mémoires, présentées comme le catalogue des « ruses de tous les fripons » — l’auteur en savait un rayon. Si le détenu recevait une réponse positive, il ne manquait pas de faire un second envoi, expliquant que le plan était dans sa malle, mais que « pour subvenir à ses premiers besoins, il avait été forcé de mettre sa malle, et tout ce qu’elle contenait, entre les mains d’un infirmier, en garantie d’une somme de… [le chiffre était adapté à la fortune présumée de l’interlocuteur]. Mais si vous voulez avoir l’extrême complaisance de m’envoyer la somme due par moi à l’infirmier, je vous enverrai de suite le plan, et toutes les indications qui vous seraient nécessaires… » pour retrouver l’imaginaire cassette de bijoux familiaux. Une première somme reçue, il ne lui restait plus qu’à inventer tous les obstacles qui permettraient d’autres arrivages de numéraire.
Somme toute, quelques Nigérians des années 90 ont simplement adapté l’astuce aux moyens électroniques, lui donnant une ampleur nouvelle. Certains furent des artistes, il faut le reconnaître. D’autres, des comiques de haute volée. Votre dévoué chroniqueur se souvient d’avoir bien ri à la réception, autour de 2002, d’un courriel ivoirien signé par une « épouse éplorée » qui avait besoin d’une aide urgente pour accéder au compte bien garni de son mari, rien moins que le « premier astronaute africain », coincé en orbite dans la station spatiale internationale depuis de nombreux mois !
Révélé au monde ébahi en 1997 par le label électro Warp, le Finlandais Jimi Tenor s’est avéré, en fait, être quelque chose comme le fils caché de Frank Zappa et Carla Bley. Après avoir passé tant la pop anglo-saxonne que Pierre Boulez au tamis d’un humour qui doit plus à Sun Ra qu’à Andy Warhol, il déroutait à nouveau son public, ravi, en publiant en 2007 un album d’afrobeat, Joystone, qui inclus l’impayable I Wanna Hook Up With You.
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