La bataille de Mossoul a commencé, lit-on dans la presse. La bataille pour reprendre la ville des mains de Daech, qui y avait trouvé en 2014 quelques milliards de dollars et des armes américaines en pagaille. Ce n’était alors que la troisième bataille de Mossoul, après celle de 2004 et celle de 2008. Nous voici donc à l’aube de la quatrième bataille de Mossoul depuis l’invasion du pays par la coalition de George W. Bush. Le nouveau calendrier — de guerre — irakien commence avec W.W., an zéro.
Les accents des articles sont un tantinet triomphalistes. Après tout, n’est-ce pas à Mossoul que l’âne de Bagdad s’est autoproclamé « calife » ? Certains papiers se veulent plus circonspects. Ils s’inquiètent de ce que les forces libératrices ont l’air un peu hétéroclites : armée irakienne, milices quasi iraniennes, conseillers otaniens, chars turcs et Peshmergas kurdes… tout cela va-t-il faire bon ménage lors de la prise d’une ville plutôt sunnite ?
Enfin. Pour l’instant, l’on n’entend guère BHL. C’est peut-être un bon signe.
D’autres évoquent « l’après Daech » (on leur souhaite d’avoir raison !) et citent le général Petraeus qui, pensant l’offensive gagnée d’avance ou presque, estime que « le défi est en fait après la bataille, c’est celui de la gouvernance ». Le général est bien placé pour le savoir, lui qui avait été appelé, sous le second mandat de W., pour tenter de limiter les dégâts causés, sous le premier, par Donald Rumsfeld et sa fine équipe d’interrogateurs « améliorés ». Petraeus, lui, avait eu l’idée qu’il fallait « gagner les cœurs et les esprits », après avoir lu un théoricien de la contre-insurrection, David Galula, un Français d’origine tunisienne qui s’était essayé à la pratique en Algérie, avant d’aller l’enseigner à Harvard.
Mais revenons à Mossoul. Si cette quatrième bataille vient seulement de commencer, elle se prépare depuis plusieurs mois. Il y a huit jours, le 11 octobre, une salve d’articles nous annonçait — non sans quelque allégresse bien compréhensible — que la propagande de Daech était « en chute libre », selon le titre du Monde. Le corps du texte était un peu confus, peut-être à cause du fait que la source principale en était la traduction d’une étude de West Point. Au-delà d’un graphique mettant en évidence la baisse du nombre de tweets et de vidéos publiés par les bouchers de Raqqa, le gros de l’information consistait en une liste de noms de communicants « daéchiens » abattus récemment. Le Pentagone est cité pour l’annonce d’une de ces morts, advenue on ne sait trop comment. Et, quelques lignes plus bas, on lit incidemment que d’autres chefs propagandistes ont été tués les 2 et 3 octobre — par qui exactement, on ne sait pas —, lors de l’attaque « des locaux supposés de la radio Al-Bayan » et de l’agence de presse de Daech.
Mon humanité ne va pas vraiment jusqu’à pleurer les artisans d’attentats ignobles à travers le monde entier, non. Mais un doute soudain m’étreint, là, devant mon micro. Aussi mauvais soient ces « journalistes », ça veut dire quoi, au fond, de bombarder une radio, ou de s’en réjouir, quand on a bruyamment crié « s’appeler Charlie » ?
En 1979, le groupe Talking Heads chantait Life during war times. En concert, la chorégraphie de David Byrne évoquait notamment les gestes des « Mères de la place de mai », ces mères de disparus sous la dictature de Pinochet qui manifestaient alors leur douleur et leur désarroi en courant autour de la place.
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