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Attentats de Paris : s’aimer par-dessus la terreur


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C’était vendredi soir et le bilan des victimes n’est pas encore finalisé, 129 pour l’instant, 300 blessés, 90 dans un état critique, qui pourraient, à chaque instant basculer. En quelques dizaines de minutes d’attaques coordonnées, c’est tout Paris qui s’est trouvée assiégée dans l’un des pires attentats de son histoire. Et bien sûr, dès le début, les réactions se sont succédées. D’abord l’état d’urgence, bien sûr et la déclaration de guerre à Daesh, qui a revendiqué l’attentat, les messages de soutien, venus de presque tous les chefs d’État du monde, les réunions spontanées et les actions symboliques, partout, les marques d’attention, ici, au Maroc, envers nous, les français loin de chez eux. Et puis, bien sûr, il y a eu le reste. Hier, une vidéo sur Youtube a récolté des millions de vues : un communiqué d’un homme français se revendiquant d’Anonymous y promet la guerre à Daesh.

Nul ne sait s’il s’agit bien d’Anonymous, mais c’est possible. En mars dernier, ils avaient dénoncé 9200 comptes Twitter liés à Daesh, après tout et cela pourrait leur ressembler.

Samedi soir, dans une version pour une fois live et spéciale d’On n’est pas couché, Jean-Luc Mélanchon, dont on peut penser ce que l’on veut, a eu les mots justes pour qualifier le projet des terroristes.

Oui, en effet, le propre du terrorisme n’est pas de tuer, cela, n’importe quelle guerre le fait. C’est d’instiller la terreur et la division dans le cœur des survivants.

Hélas, ce message de bon sens, de fraternité et d’amour n’a bien entendu pas été compris par tous. Et hier, des militants d’extrême-droite sont venus perturber les rassemblements citoyens, notamment à Lille.

Le son est mauvais et il ne vaut pas qu’on continue de le passer. Vous en avez compris l’intention, ou bien vous avez vu les images et celles, pires encore, d’énergumènes haineux brûlant le Coran en ricanant comme les bêtes qu’ils deviennent, alors que nous sommes tous en proie à la tentation des identités meurtrières dont parlait si bien Amin Maalouf. Pour mémoire, en voici un extrait, primordial, dont il faut graver chaque mot dans nos mémoires pour ne pas perdre la tête. « Au sein de chaque communauté blessée apparaissent naturellement des meneurs. Enragés ou calculateurs, ils tiennent les propos jusqu’auboutistes qui mettent du baume sur les blessures. Ils disent qu’il ne faut pas mendier auprès des autres le respect, qui est un dû, mais qu’il faut le leur imposer. Ils promettent victoire ou vengeance, enflamment les esprits et se servent quelques fois des moyens extrêmes dont certains de leurs frères meurtris ont pu rêver en secret. Désormais, le décor est planté, la guerre peut commencer. Quoi qu’il arrive, « les autres » l’auront mérité. « Nous » avons un souvenir précis de « tout ce qu’ils nous ont fait endurer » depuis l’aube des temps. Tous les crimes, toutes les exactions, toutes les humiliations, toutes les frayeurs, des noms, des dates, des chiffres. »

Fin de citation, mais c’est le livre entier qu’il faudrait lire et relire encore comme le seul guide de l’homme sain d’esprit dans la tourmente. Et de fait, trop peu de gens l’ont lu ou veulent s’en souvenir, de part et d’autres. Et, miroir des fachos, on a eu notre trop-plein de tous ceux qui ont compté les morts et le respect qui leur a été donné, plus pour ceux-ci, moins pour ceux-là et c’est injuste. D’ailleurs, l’Occident, quelque part, l’a bien cherché. Stop ! De janvier à novembre, de Paris à Paris, en 10 mois, bien des pays ont souffert du terrorisme de Daesh & associated et entre autres : l’Arabie Saoudite, le Yémen, le Nigéria, L’Egypte, la Somalie, la Lybie, le Pakistan, l’Irak, la Syrie, le Dannemark, le Mali, la Tunisie, le Tchad, le Koweit, le Cameroun, la Thaïlande et le Liban. Certains de ces pays ont été touchés de multiples fois et d’autres, comme la Belgique et oui, le Maroc, n’ont échappé que de très peu à l’horreur, alors que des aspirants terroristes sont quotidiennement arrêtés.

Il est temps de cesser, avant qu’il ne soit trop tard, le kikakommencé et le mon-mort-vaut-plus-cher-que-le-tien car nous sommes tous concernés. Oui, nous sommes en deuil, oui, nous sommes en guerre. Mais pas seulement à Beyrouth, pas seulement à Paris. Pas seulement dans les rues ni sur les champs de bataille de Syrie, du Yémen ou de la Palestine, qui, pour n’avoir rien à voir là-dedans fut bien trop souvent cité en des comparaisons qui font la déraison. Nous sommes d’abord en guerre dans les cœurs et les esprits pour ne pas se laisser gangrener par la haine. J’atteste que le Bisounoursisme n’est pas de la naïveté, c’est un combat pour l’humain. Pour la fraternité avant toute autre valeur. J’atteste que je n’ai rien d’autre à offrir que mon humanité en partage, mais qu’elle n’a pas de limite si elle est partagée. J’atteste qu’il importe encore et encore davantage, attaque après attaque, de s’aimer à tort et à travers. Sinon, plus rien n’a de sens et je suis impuissante.

Vendredi soir, ma mère était à Paris, à une encablure des événements, dans un café, elle aussi et je discutais avec elle quand cela s’est produit. Cela aurait pu être elle et j’aurais pu, brusquement, ne plus avoir de réponse, être orpheline, comme cela. Bien d’autres gens n’ont pas eu ma chance, ni la sienne, bien d’autres gens de toutes les nationalités, y compris marocaine. Si, comme le dit Jean-Luc Mélanchon, il faut avoir peur pour avoir du courage, j’aurais beaucoup de courage car nul n’est à l’abri. Mais si Dieu veut, j’aurais avant tout le courage de ne jamais haïr et de pleurer les morts, tous les morts. Nous sommes à Dieu et à lui nous retournons.


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