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Bipolarisation

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Bipolarisation

Il existe au Maroc une quarantaine de partis mais, comme dirait Jaques Brel, on ne voyait qu’eux deux… eux, ce sont bien évidemment le PAM et le PJD. Ils dominent la scène politique, ils se livrent une guerre sourde, chacun usant de ses moyens, la charge au canon lourd pour Abdelilah Benkirane et la ruse en coulisses pour Ilyas El Omari. Avant, il y avait donc un pluralisme politique dans le pays, mais ça, c’était avant !

Aujourd’hui, le nombre de formations politiques n’a d’égal que la vacuité de leur existence. Les autres partis, tous, sont très largement distancés dans les urnes par le PAM et le PJD, tellement loin devant que ces derniers semblent faire la course seuls. Les autres partis, donc, devront s’arrimer chacun à une des deux formations pour exister, et chacune des deux formations a également besoin de l’alliance avec d’autres, plus petites, pour pouvoir exister et former un gouvernement, tant il est vrai que dans ce pays, le système est ainsi pensé qu’il ne permet pas à un seul parti de monopoliser la majorité. Alors à défaut, il la phagocytera.

Nous sommes donc face à une logique de bipolarisation. Le terme fait sursauter les chefs de partis et fait froncer les sourcils aux universitaires, politologues et autres constitutionnalistes. Pourquoi ? Parce que le Maroc, depuis 50 ans, a fait le pari du pluralisme et, comme l’avait dit Hassan II, « si Ben Barka n’avait pas existé, je l’aurais créé, car c’est lui qui  a évité au Maroc et à la monarchie de vivre sous le joug du parti unique », l’Istiqlal en l’occurrence.

Qu’est-ce que la bipolarisation ? Il s’agit d’une tendance à l’organisation de la vie politique autour de deux blocs, coalitions ou partis politiques opposés. C’est un processus, une évolution qui conduit toutes les forces politiques vers deux pôles dominants qui s’opposent pour la prise du pouvoir, au détriment du pluralisme.

Pour cela, et dans tous les pays du monde, cette bipolarisation passe par plusieurs processus. D’abord l’héritage de valeurs ou de positionnements, qui passent de plusieurs formations à une seule ; ensuite, les ruptures sociales qui engendrent un autre type de vote que celui traditionnellement dédié à des partis, et qui bascule vers un seul ; enfin, la légitimité passée des uns s’érode, se réduit, et se retrouve finalement dans l’une ou l’autre des deux formations.

Au Maroc, les années 2000, correspondant au règne de Mohammed VI et à l’apparition de forces et de technologies nouvelles dans le monde, ont donné naissance à une population nouvelle elle aussi. Nouvelle dans ses valeurs et nouvelle aussi dans son intérêt pour la chose politique, largement encouragée par l’immédiateté de l’information, et son abondance, et la libéralisation de la parole, et sa pertinence. Une nouvelle génération qui, une fois les yeux ouverts sur le monde,  a scruté les UC, RNI, Istiqlal, USFP et les autres comme des êtres amusants au mieux, repoussants au pire. Il fallait donc que l’offre politique s’adapte à la demande politique, et que le jeu soit plus clair pour une jeune génération peu rompue aux idéologies. Et c’est là le principe même et la raison d’être de la bipolarisation : un schéma partisan simple, et au lieu d’idéologies, deux camps…

Globalement, on peut en effet scinder la société marocaine entre conservateurs et modernistes. Et la bipolarisation s’est imposée, d’elle-même, naturellement, spontanément. Nés à une dizaine d’années d’intervalle, le PJD et le PAM sont ainsi passés, en très peu de temps, de petites forces non reconnues, voire méprisées, à des partis importants, dominants, attirant comme des aimants les autres formations vers eux.

Dans notre paysage politique, on peut ranger dans le camp conservateur, autour du PJD, l’Istiqlal, le Mouvement Populaire et d’autres petites formations plus ou moins traditionnalistes et/ou islamisantes. En face, dans le camp moderniste, le PAM aspirerait le RNI, l’UC, le PPS, mais aussi l’USFP, un parti écrasé sous le poids de ses éléphants et à la recherche de lui-même. Les formations de la gauche radicale n’étant ni conservatrices ni modernistes au sens strict du terme, resteront à la marge.

Mais on voit bien que, comme bien souvent en politique marocaine, la logique et le bon sens ne trouvent pas d’existence dans la réalité, où les alliances suivent plus l’humeur et les intérêts des dirigeants que l’ancrage social et l’idéologie des formations.

Il suffit donc seulement que la dizaine de grands partis, ou plutôt les dix premiers, jouent le jeu, et que les calculs personnels, les gestions d’intérêts et certains coups de fils cessent, et le paysage politique sera plus clair, et plus attractif également pour des électeurs assommés par les discours soporifiques et à l’ancienne des leaders anciens de partis anciens.


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