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Syrie

Blousons dorés en escadrilles


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Syrie

Alors, forcément, l’image d’une officielle américaine brandissant à l’ONU des photos comme preuves de la méchanceté d’un dictateur du Moyen-Orient, ça ne peut que rappeler le mauvais souvenir de ce pauvre Colin Powell, en 2003, agitant désespérément devant les caméras des flacons de sel d’ammoniac — qui avaient peut-être servi à le ranimer après qu’il eut reçu son ordre de mission diplomatique. Mais nous disposons aussi du témoignage de Médecins Sans Frontières, dont les équipes près de Khan Sheikhoun assurent, avec prudence, que « les victimes vues par MSF présentent des symptômes concordant avec une exposition à des agents chimiques ».

La déclaration peut se prendre au sérieux. L’ONG fut la seule organisation internationale à oser témoigner face caméra, dans le documentaire Gaza Strip, de James Longley, des effets d’un gaz incapacitant neurotoxique, provoquant des spasmes durant parfois 48 heures, et qui avait été utilisé par l’État hébreu, à Gaza, en 2001. Pour l’anecdote, ce gaz semble avoir aussi été lancé sur la place Tahrir, au Caire, en 2011.

Le cas syrien est évidemment encore plus grave. L’ONG ne prétend certes pas dire qui a tiré — on sait qui dispose d’une force aérienne, de toute façon. Mais elle nous dispense, au moins, de nous égarer trop loin dans les suppositions des extrêmes droites de tout poil. Celles-là mêmes qui ont passé 2016 à nous expliquer que Donald Trump allait être un gentil président isolationniste replié sur lui-même.

Bizarrement, ces zélés militants du Web et de Russia Today oubliaient alors que George W. Bush s’était fait (mal) élire en affichant ces mêmes intentions « isolationnistes ». La mémoire est toujours sélective, dirait-on… Donc, voilà. Ça y est. Le cowboy à la tour dorée, humilié par la justice de son pays qui a bloqué son Muslim Ban, vexé par les élus de son parti qui ont refusé de le suivre contre l’Obamacare, a enfin trouvé un moyen d’agiter ses petits bras musclés.

À défaut de seringue hypodermique pour tigre de Sibérie, il a suivi les néoconservateurs et son état-major, et fait lancer 59 missiles sur une base aérienne de l’armée baathiste — passablement vidée, puisque la Russie, donc Bachar Al Assad, a été prévenue juste avant. Les avions décollent à nouveau du tarmac, nous explique Jean-Pierre Filiu, qui était dans le Kurdistan irakien ce jour-là.

Dmitri Medvedev a tout à fait raison de souligner que ce bombardement — salué par la rébellion syrienne, soit dit en passant — est illégal. Il l’est à double titre. D’abord, selon la législation américaine elle-même. Un président américain n’a pas le droit de faire ça. Mais beaucoup l’ont fait. Pour faire court, ça leur était interdit par une loi votée après la guerre du Viet Nam, mais presque tous ont contourné cette loi. Comme Reagan, en Libye. Ou Clinton, au Kosovo, disant que ça ne devait pas servir de précédent.

Mais c’est pourtant en invoquant ce précédent qu’Obama avait envisagé, en son temps, de bombarder la Syrie. Ce à quoi Trump s’était violemment opposé en coinçant sa touche Caps Lock sur Twitter. Bah oui. Il ne faut sans doute pas croire tout ce qu’on lit sur Twitter. Ensuite, ces tirs de missiles sont bien en contradiction avec le droit international. Ou plutôt, ils forment très exactement un casus belli.

L’État souverain de Syrie — ou ce qu’il en reste — peut, légitimement, se considérer en état de guerre ouverte avec les États-Unis. Et, donc, demander à ses alliés de l’aider. Allez savoir pourquoi, le Baath, qui ne se maintient que par la tutelle russe, n’a pas l’air, pour l’instant, d’envisager sérieusement d’attaquer les USA… Il est bien ici, le coup politique voulu par Trump. Nous sommes devant des voyous de quartier, impuissants dans leurs foyers respectifs et qui jouent sur le trottoir à qui c’est qu’a la plus grosse bombe. Aujourd’hui, c’est Trump. Chef d’escadrille. Au passage, il donne à Vladimir Poutine des arguments pour presser le Baath d’en finir.

Cela s’adresse aussi, bien sûr, aux pays du Pacifique. Tandis que, sous le parapluie étoilé, le maréchal Sissi, issu d’une armée non moins baathiste et qui réprime elle aussi sans vergogne son opposition libérale au nom de l’antiterrorisme, peut sourire en songeant à Nasser abandonné dans le Sinaï par Hafez Al Assad. Pendant ce temps, Syriens et Coptes égyptiens, hommes, femmes et enfants meurent sous les bombes — russes, américaines et daechiennes — ou dans les eaux devenues glaciales de la Méditerranée, sous les yeux impassibles des gardes-frontière européens.

À la mort de Fela Kuti, en 1997, les autorités nigérianes ont décrété 4 jours de deuil national pour l’artiste qui, en 77, dénonçait la junte militaire en citant Churchill : Sorrow, Tears and Blood (them regular trademark).


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