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Brut ou Net : telle est la question ?


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Ici-bas, rien n’est éternel !

C’est ainsi que le contrat de travail à durée indéterminée peut prendre fin à tout moment à l’initiative de l’employeur ou de l’employé.

Lorsqu’elle est le choix de l’employé, la rupture se matérialise par la simple remise à l’employeur d’une lettre portant la signature légalisée du salarié. Elle n’est soumise à aucune condition de fond si ce n’est le respect du délai de préavis légalement ou contractuellement prévu.

Lorsque la rupture est le choix de l’employeur, de multiples conditions de forme et de fond doivent être scrupuleusement respectées. Nous aurons l’occasion, si Dieu nous prête vie, d’examiner plus avant ces différentes conditions dans le cadre d’une prochaine chronique. Sachez seulement pour l’instant que le non-respect de l’une de ces obligations de forme ou de fond peut entraîner le paiement de lourdes indemnités que le législateur a pris soin de lister de manière relativement précise dans le Code du travail.

Ce que le législateur a omis de faire ou bien n’a pas souhaité faire, c’est de graver dans le marbre de la loi le salaire à prendre en compte pour le calcul de ces différentes indemnités. Doit-on prendre comme unité de mesure le salaire brut (généralement au centre de la fiche de paye) ou bien le salaire net (en bas à droit de la même fiche de paye) pour calculer ces indemnités listées par le Code du travail ?

À cette question cruciale pour les relations sociales et la vie quotidienne des salariés et des employeurs, aucune réponse claire n’a été apportée par le législateur alors même, qu’en fonction de la rémunération du salarié et des différentes retenues opérées, le salaire brut peut représenter jusqu’à deux fois le salaire net.

Du fait du silence de la loi, les différents intervenants (employeurs, salariés, syndicats, inspection du travail, CNSS, direction des impôts et praticiens du droit social) adoptent des positions très différentes et souvent contradictoires et cette question demeure dans l’esprit du plus grand nombre, ambiguë et tributrice non plus du Droit mais du rapport de force entre les parties à la négociation.

Ce que nous ne pouvons accepter.

Le Ministère de l’Emploi et des Affaires Sociales a pris indirectement position sur la question en indiquant sur son simulateur d’indemnités en ligne (http://www.emploi.gov.ma/calcul/simulationfr23.php) que c’est le salaire brut qu’il faut retenir.

L’intention est louable mais le résultat dévastateur. Le Ministère de l’Emploi et des Affaires Sociales en se substituant d’autorité au législateur et aux tribunaux qui, seuls peuvent dire le droit dans un état du même nom, rajoute à la confusion.

La réponse est pourtant juridiquement très simple.

Dans le silence de la loi, il appartient aux tribunaux et notamment à la plus haute juridiction du pays, la Cour de cassation, de dire le droit. Et n’en déplaise au Ministère de l’Emploi et des Affaires Sociales, le Droit a été dit et bien dit.

La Cour de cassation a dit le Droit en affirmant clairement par deux arrêts de principe (Cour de cassation, arrêt n° 892 du 21/10/2010, dossier. soc. 1396/5/2009 et Cour de cassation, arrêt n° 1334, du 21/06/2012, dossier. soc. 1538/5/2010) que le salarié n’a droit qu’aux indemnités calculées sur la base de ce qu’il percevait réellement de son employeur et donc de la perte effectivement subie du fait de la rupture de son contrat. Ces deux arrêts de la plus haute juridiction marocaine posent clairement et définitivement qu’il convient de retenir le salaire net.

La Cour de cassation a bien dit le Droit puisque d’une part les dommages-intérêts alloués à la partie lésée doivent réparer le préjudice subi sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit. D’autre part, le préjudice doit être évalué in concreto et non in abstracto. Il s’agit en effet de prendre en considération les seules conséquences réellement subies par la partie lésée et en l’espèce le salaire effectivement perdu par le salarié du fait de la rupture du contrat, c’est le salaire net.

Il s’agit là d’une position claire émise par la plus haute juridiction du Royaume que l’ensemble des praticiens et des parties intervenantes, Ministère de l’Emploi et des Affaires Sociales compris, doivent suivre pour clore définitivement un débat inutile et éviter que chaque rupture de contrat ne donne lieu à de multiples et stériles confrontations.

Les litiges relatifs à cette question sont totalement artificiels et encombrent inutilement les inspections du travail et les prétoires…qui ont pourtant déjà fort et mieux à faire.

Le Maroc moderne ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : il se fera par de petites avancées concrètes réduisant, par des règles simples et claires, les frictions entre citoyens et posant ainsi les jalons d’une destinée commune.

Et par cette modeste chronique, votre serviteur souhaite apporter sa petite pierre à la construction de l’Édifice commun.


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