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Carthago Delenda Est

Carthago Delenda Est


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Carthago Delenda Est

« Carthago Delenda Est » ! Attribuée à Caton l’Ancien, cette phrase lapidaire qui signifie littéralement « Carthage doit être détruite », était systématiquement clamée haut et fort par le sénateur romain, à la fin de chacun de ses discours, comme pour rappeler que le spectre d’Hannibal planait toujours sur Rome. Mais au-delà de la cité elle-même qui finira par être rasée par les romains trois ans après la mort de Caton, « Carthage » incarnait en tant que modèle civilisationnel, tout ce qui pouvait dégoûter un bon romain.

Car les guerres ayant opposé Rome à Carthage, et quelques siècles avant Sparte à Athènes, traduisent une opposition qui en plus de perdurer jusqu’à nos jours, va au-delà d’une simple lutte pour l’hégémonie. C’est l’affrontement de deux métaphysiques, de deux univers moraux, juridiques, politiques et civilisationnels.

D’un côté le monde de la mer, le « Sea Power », qui dans une dynamique mondiale de « translatio Imperii » qui désigne un déplacement historique des pôles impériaux, est passé d’Athènes à Carthage, à Venise, à Londres puis à Washington aujourd’hui. De l’autre, le monde tellurique ou le « Land Power », s’inscrit dans une autre lignée d’empires, allant de sparte à Moscou, en passant par Rome, Bagdad et Constantinople.

Le premier modèle, impérial et oligarchique, règne par la mer et le commerce, et privilégie les méthodes indirectes de domination, l’ « Indirect Rule » ou la « Potestas Indirecta » pour reprendre le vocabulaire de « Carl Schmidt ». Ainsi, l’empire britannique par le passé et les États-Unis de nos jours, ne raisonnent pas en termes d’espaces ou d’étendues, mais en termes de détroits, de pipelines, de routes et de voies commerciales et de communication. C’est la volonté insulaire et thalassocratique de penser, et d’ordonner la « terre », à partir de la « mer ».

Avec un argumentaire universaliste (droits de l’homme, village planétaire, libre-échange, liberté de circulation,…), l’empire de la mer cherche perpétuellement à étendre son « Ethos juridique » et son « épistémè » à la terre entière. Le droit et la culture, constituent donc les deux vecteurs majeurs de diffusion du « Meeresbild », c’est-à-dire de la mentalité maritime, insulaire, cosmopolite et déracinée.

Cette conception insulaire de la géopolitique, procède des théories de « Mackinder » et de « Spykman », pères spirituels de la géopolitique anglo-saxonne, qui distinguent trois grands espaces :

  • Le « Heartland» ou le « cœur de la terre », qui correspond à l’Eurasie, qui va de l’Europe de l’Est jusqu’aux steppes mongoles, en passant par la Russie, incluant le grand « Turan ».
  • Puis le « Rimland» ou « croissant intérieur », comprend l’Extrême-Orient, le Proche-Orient et l’Europe Occidentale.
  • Et enfin le « Croissant extérieur», qui inc la périphérie et le reste du monde (Afrique, Australie, Japon et les deux Amériques du Nord et du Sud).

En partant de cette typologie, Spykeman affirme que « Celui qui contrôle le Rimland, contrôle l’Eurasie, et celui qui contrôle l’Eurasie contrôle la destiné du monde ».

Cette vision « thalassocratique » de la géopolitique, a dicté et continue de dicter toute la géostratégie anglo-saxonne, qui se traduit par une politique d’encerclement du bloc eurasiatique incarné aujourd’hui par la Russie et la Chine. Ne pouvant aujourd’hui contrôler ce « Heartland », l’axe atlantique cherche à contenir ce bloc, soit en sanctuarisant le « Rimland » en incluant par exemple la Turquie, les pays baltes, la Pologne, la Hongrie, la Bulgarie et la Roumanie dans l’OTAN, soit en déstabilisant par une « stratégie du chaos controlé » le reste du « Rimland » qu’ils ne peuvent contrôler directement, comme en Syrie, en Irak et en Ukraine.

En face, la modèle tellurique et continentale de l’empire, s’appuie sur le concept de « Grossraum », que Carl Schmidt conçoit comme un grand espace délimité sous hégémonie, à l’intérieur duquel l’ingérence des puissances étrangères est interdite. C’est le droit continental qui y règne, où l’Etat est lié à la terre et au contrôle de l’espace. C’est un empire de la terre, sédentaire et enraciné, fondé sur les nations, les identités, et le pluralisme culturel, et qui aujourd’hui, incarné par la Russie et la Chine, s’oppose au mondialisme belliqueux et acculturant du « Sea Power », et représente aujourd’hui un pôle de stabilité et de souveraineté majeure. C’est le retour progressif vers un monde multipolaire.

Le Maroc qui fut historiquement un empire tellurique et enraciné dans le continent Africain, et ayant subit pendant des siècles les tentatives de domination thalassocratiques des portugais, des espagnols puis des français, a ouvert à partir des années 1980 les portes à la mer, à travers le PAS qui lui fut imposé par la Carthage de notre époque, via des politiques de libéralisation économique, de libre-échangisme, de perte de souveraineté monétaire et de dictats occidentaux au niveau de notre politique intérieure, qui ont désarticulé notre société, piégée entre une nostalgie de la tradition enracinée que l’on perd à petit feu, et une tentation de la modernité occidentale qui s’impose à nous.

Cependant, cette parenthèse commence lentement et timidement à être refermée, notamment à travers le retour historique du Maroc dans l’UA entamé par SM le Roi. C’est un retour aux racines et à notre dimension et encrage continental historique, auquel manque une doctrine géopolitique marocaine et africaine qui reste à élaborer, sachant que le continent africain du fait de sa richesse et de son immensité, représente incontestablement le futur « Heartland », dans lequel le Maroc aura un rôle central à jouer. Au-delà d’un simple positionnement géopolitique, il s’agit d’une destiné et d’un choix civilisationnel. À nous désormais de clamer haut et fort : « Carthago Delenda Est » !


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