Ce Mercredi dernier se tenait au Sofitel à Casablanca, la troisième édition de l’observatoire international du commerce, une conférence organisée sous l’égide d’Euler Hermes Acmar, organisme d’assurance crédit et ayant pour thématique la situation économique dans les pays émergents en général et au Maroc en particulier.
Cette table ronde à laquelle je fus convié en ma qualité d’économiste indépendant a été un moment fort d’échanges et de débats.
Ce tour de table comprenait notamment l’ancien ministre de l’énergie et des mines Fouad Douiri, l’économiste en chef d’Euler Hermes Acmar Ludovic Subran et votre fidèle serviteur des Matins Luxe.
Ce fut l’occasion de revenir dans un premier temps sur les perspectives économiques mondiales 2016 dans les pays développés mais également dans les pays émergents qui subissent un ralentissement brutal confirmé en cœur par l’OCDE, la Banque mondiale et le FMI.
Le resserrement de la croissance et du commerce mondial, le protectionnisme qui se répand insidieusement partout et sans dire sans nom, la chute des cours des matières premières mais aussi la perspective de remontée continue des taux de la FED affectent profondément les émergents :
Goldman Sachs à l’origine de l’acronyme « BRICS » a d’ailleurs fermé son fonds dédié qui avait perdu près de 88% de sa valeur depuis son plus haut en 2010.
- Le Brésil miné par la chute des cours des matières premières, par les scandales, par la dévaluation du real, par une inflation et des taux directeurs à deux chiffres devrait avoir connu en 2015 sa pire récession depuis des dizaines d’années soit une diminution de 3% du PIB. Celle-ci se prolongera en 2016.
- La Russie elle, est fragilisée par les sanctions et la baisse du cours des matières premières dont le pétrole et le gaz alors que le rouble dégringole.
- La presque première économie mondiale, la Chine, connaît un fort ralentissement. Les inquiétudes liées aux bulles immobilières et boursières ont été maintes fois commentées aux Matins Luxe.
Elle enregistre sa plus faible croissance depuis les années 1990, la contraction manufacturière se confirme, le rééquilibrage vers la consommation intérieure et les services, est engagé mais pas simple. Pour le gouvernement chinois, il faut inciter par tous les moyens à la consommation tout en durcissant une politique protectionniste qui ne dit pas nom.
Les pays émergents sont désormais moins fringuants : Déficits courants, secteur privé fragile, risques de sorties de capitaux, volatilité des devises et risques de non-paiement sont pointés du doigt.
Cette situation annonce une hausse des faillites généralisée.
- En Russie, on enregistre une hausse de +30 % des faillites en 2015.
- En Turquie on annonce +6% en 2016.
- En Asie-Pacifique, les défaillances d’entreprises vont connaître un bond de +11 % en 2015 puis de + 10 % l’an prochain, une première depuis 7 ans !
- La Chine sera également particulièrement affectée, le nombre de défaillances d’entreprises y étant attendu en hausse de +25 % en 2015 et +20 % en 2016 ! Construction, métaux et mines, fabrication bas de gamme et secteurs liés à l’export devraient être les plus pénalisés.
- Même tendance à Singapour (+ 25 % en 2015, + 15 % en 2016…) et à Hong Kong (+ 22 % cette année, + 15 % en 2016).
- Mais l’Amérique latine souffre aussi énormément puisque l’indice régional des défaillances d’Euler Hermes doit croître de + 46 % cette année, et de +14 % en 2016.
- La hausse des faillites est attendue à + 25 % en 2015 et + 18 % en 2016 au Brésil (en récession). Même forte hausse au Chili (+ 169 % en 2015, + 11 % en 2016).
- Enfin, pour l’Afrique et le Moyen Orient, l’indice régional d’Euler Hermes est également sur une tendance haussière avec une hausse des faillites attendue à + 10 % en moyenne en 2015 et 2016.
- Au Maroc, les faillites seront en progression de + 15 % cette année et devraient augmenter encore de + 10 % en 2016 soit 5800 et près de 6400 entreprises défaillantes.
- Au total, vu la reprise aux USA et la reprise certes encore timide en Europe, les faillites vont se stabiliser au plan mondial en 2016 à 300 000 faillites. C’est déjà cela de pris, après le choc de la crise de 2008/2009 mais tous les effets de la crise ne sont pas pour autant digérés. Prudence, donc…
Partout on s’interroge désormais sur la fiabilité des chiffres économiques officiels des pays émergents de l’Inde à la Chine…en passant par le Maroc…
- Ah les chiffres officiels… que disent-ils ?
- comment sont-ils établis?
- par quels organismes… ?
- et dans quels buts, pour quels destinataires ?
- Pour faire passer quels messages ?
Au Maroc, la croissance des activités non agricoles ralentit plus sensiblement depuis 2 voir même 3 ans.
Les perspectives de croissance économique pour 2016 sont estimées seulement entre 2,6% et 2,8% par le HCP et le CMC.
Autant dire des perspectives bien médiocres. La conjoncture est morose dans de nombreux secteurs.
L’immobilier, le tourisme et la construction bien sûr mais également ‘habillement, le textile, la restauration, le commerce, et les services aux entreprises sont aussi touchés…Les petites entreprises davantage que les grosses bien évidemment.
Plusieurs signaux parmi d’autres inquiètent :
- L’atonie durable de l’investissement
- la raréfaction des demandes de financement de projets émis par les entreprises
- la difficulté donc des banques à placer des financements
- l’augmentation du taux de chômage
- l’augmentation des créances bancaires en souffrance
- l’allongement des délais de paiement et les difficultés de recouvrement, les impayés
- mais également donc le doublement depuis 2010 du nombre des défaillances annuelles d’entreprises au Maroc.
Certes, la création et la mort des entreprises font aussi partie du cycle économique et de la sélection naturelle.
Mais l’augmentation continue du nombre de défaillances n’est que la partie visible de l’Iceberg car nombre d’entreprises ne font pas l’objet de procédures collectives et de liquidation. La mise en sommeil ou en veille est bien plus courante, elle n’apparaît donc jamais dans les statistiques et les études.
De plus, le faible nombre de création d’entreprises au Maroc, la faible orientation vers les secteurs industriels, technologiques ou à forte VA a de quoi inquiéter.
Plus que jamais un véritable « small business act » et l’accélération des vraies réformes sont nécessaires.
Les patrons de PME attendent plus que jamais une véritable lutte contre le développement de l’informel, la remise à plat d’un système fiscal décourageant, la promotion de l’entrepreneuriat, le développement des sources alternatives de financement dont la mise en place d’une banque publique dédiée aux start up, un véritable et durable soutien à l’innovation .
L’absence de véritable débat contradictoire est aussi inquiétante alors que le modèle marocain s’essouffle dangereusement.
Nous attendons toujours que l’on vienne nous détailler les stratégies et les objectifs en la matière alors que le modèle marocain s’essouffle semble t’il dangereusement.
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