Et brusquement, le calendrier politique national s’est accéléré. C’était ce mercredi 15 mars, avec le désormais fameux communiqué du palais royal, qui a mis fin à une attente de cinq mois et à une situation d’immobilisme de plusieurs semaines.
On le sait, depuis qu’il a été désigné chef du gouvernement en charge de réunir une majorité parlementaire, Abdelilah Benkiran a multiplié les contacts, les sautes d’humeur, les notes d’humour et la mauvaise humeur. Mais il faut croire que ce n’est pas ainsi que l’on forme un gouvernement. Alors le roi, comme chacun l’attendait, est intervenu. Il s’est impliqué comme la Constitution l’y autorise, faisant une lecture de la Constitution qui alimente les débats depuis cinq mois maintenant.
En cause, l’article 47, qui dit que le roi doit choisir le chef du gouvernement au sein du parti arrivé premier aux élections, et au vu de leurs résultats. C’était l’impasse, après plusieurs mois durant lesquels le chef du gouvernement, et du PJD, Abdelilah Benkirane, n’a pas pu, n’a pas su, trouver d’accord avec le président du RNI Aziz Akhannouch.
Tout le monde s’est alors mis à attaquer cet article 47, affirmant qu’il est vague, qu’il est imprécis, qu’il est source de crise et d’incompréhension, de retards et de blocages, etc. L’erreur commise par ces commentateurs, constitutionalistes compris, est que l’article 47 ne saurait être lu en dissociation de l’article 42.
Lire et appliquer l’article 47, seul, consiste à observer la lettre de la Constitution, et c’est exactement ce qu’avait fait le chef de l’Etat le 10 octobre en nommant Benkirane chef du gouvernement désigné. La lettre de la Constitution, donc, en plus de la mise en œuvre de la méthodologie démocratique, voulant que ce soit le chef de ce parti premier qui soit choisi. Et puis cinq mois sont passés, comme on sait, et dans les conditions que l’on sait.
Le 15 mars, le roi, dans son communiqué a expliqué les choses, en plusieurs points : 1/ Rappel de la célérité dans la désignation de Benkirane, 48 heures après l’annonce des résultats du scrutin législatif, 2/ l’évocation des rappels royaux à Benkirane pour accélérer les choses, et 3/ la décision de libérer Benkirane et de passer à quelqu’un d’autre du PJD.
Ce qui est intéressant est l’usage une seconde fois de l’article 47, qui en principe, selon plusieurs constitutionnalistes, ne peut servir qu’une seule fois. Alors le chef de l’Etat a recours à l’article 42 qui fait de lui « le garant du bon fonctionnement des institutions », et pour garantir ce bon fonctionnement, le roi choisit de revenir au 47 et de renommer quelqu’un d’autre du PJD. Or, avoir recours au 47 une seconde fois consiste en une lecture de l’esprit de la Constitution, et non plus de sa lettre seulement, comme lors de la nomination de Benkirane.
Et le chef de l’Etat, dans sa lecture de la Constitution, n’omet pas de mentionner qu’il dispose d’autres options, tant dans la lettre que dans l’esprit de la Constitution. Le champ des possibles est alors très vaste.
Aussi, ce qu’on peut retenir de cette phase de formation du gouvernement, qui a déjà coûté cinq mois d’attentisme au Maroc et qui a usé un chef du gouvernement, c’est que la Constitution peut être lue, expliquée, interprétée et commentée de plusieurs manières. Et ce fameux article 47 qui a fait couler tant d’encre et de salive – et c’est là l’autre grand enseignement à tirer du communiqué royal – ne peut ni ne doit être lu séparément du reste des articles de la constitution.
La Constitution du Maroc est un texte homogène et compact. Aucun de ses articles ne saurait être dissocié des autres, et aucun ne peut être lu séparément et faire sens.
Cela, Benkirane ne l’a pas compris, dans ses réflexions et ses calculs, devant ses pairs et ses micros, mais le roi le sait. Formons des vœux pour que le PJD, et Saâdeddine El Otmani, en tirent les conséquences. Et aillent vite.
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