Quand on est chef du gouvernement, on est supposé avoir lu la Constitution, et l’avoir comprise. Et quand on est chef du gouvernement reconduit, on est censé la connaître sur le bout des doigts, tant dans l’esprit que dans la lettre. Mais ce ne semble pas être le cas, semblerait-il… Alors, si vous me le permettez, M. Benkirane, je voudrais vous entretenir un peu de la loi fondamentale de ce pays…
L’opposition n’est pas un ennemi, mais un partenaire de l’autre bord. On peut s’opposer sans se haïr, et on peut s’affronter sans s’insulter. De même qu’on peut être chef du gouvernement sans être arrogant. Ça, c’est pour les préliminaires; le reste en 5 points.
1/ La question du vainqueur. Qui est-il ?
Le vainqueur d’une élection au Maroc, aux termes de la Constitution de 2011, est le parti, ou bloc de partis, qui réunissent la majorité absolue des députés. C’est l’article 88, alinéa 4, de la loi fondamentale, qui le dit. Relisons-le, lentement, pour que vous le compreniez, M. Benkirane : « Le Gouvernement est investi après avoir obtenu la confiance de la Chambre des Représentants, exprimée par le vote de la majorité absolue des membres composant ladite Chambre ».
Et de fait, puisque le PJD a eu 125 candidats élus, il doit se contenter de proclamer sa première place et son droit à diriger le gouvernement. Mais sans plus. Il n’est pas le vainqueur, et il ne pourra l’être que s’il réunit la moitié plus un des députés, soit 198.
2/ La question du vainqueur, toujours… Il ne doit pas imposer un diktat aux autres.
Une fois que la coalition est réunie, que le chiffre magique et fatidique de 198 députés est atteint, il faudra que le chef du gouvernement soumette les noms des ministres et leurs départements. Ceci est une autre manche, et pour cela, il faut mettre en parallèle les programmes. Le même article 88 dispose que « Après la désignation des membres du gouvernement par le Roi, le Chef du Gouvernement présente et expose devant les deux Chambres du Parlement réunies, le programme qu’il compte appliquer. Ce programme doit dégager les lignes directrices de l’action que le gouvernement se propose de mener (…) »
Or, jamais, tout au long de ces tractations, on n’a parlé de programmes. On n’entend que les insultes de vos amis, M. Benkirane, contre vos ennemis. On n’entend que votre propos favori ces derniers mois : « C’est moi le chef ». Certes, mais de quoi et sur la base de quoi ?
3/ C’est quoi, un chef du gouvernement désigné ?
Un chef de gouvernement désigné, M. Benkirane, est un homme qui n’a d’autre pouvoir que de consulter les autres chefs de partis pour former un gouvernement. De préférence majoritaire. Et s’il ne réussit pas à former son gouvernement durant cinq mois, le chef du gouvernement désigné devra bien se résigner. En partant vers d’autres alliances et alliés, ou en partant tout court.
4/ Les élections anticipées, cela ne dépend pas du chef du gouvernement
Dès le mois de novembre, ou peut-être même décembre, on a commencé à entendre parler d’élections anticipées. Vos amis, M. Benkirane, colportaient cette éventualité qu’ils renforçaient avec un zeste de pression. Mais vous n’en avez tout simplement pas le droit, M. Benkirane. Car des élections anticipées, cela se décide en Conseil de ministres, selon l’article 104 : « Le Chef du Gouvernement peut dissoudre la Chambre des Représentants, par décret pris en Conseil des ministres, après avoir consulté le Roi, le président de cette Chambre et le président de la cour constitutionnelle». Or, on n’arrive à ce Conseil que lorsqu’on est dûment investi par le parlement. Ce qui n’est toujours pas, vous le savez, votre cas.
5/ Le Maroc n’est pas un Etat islamique
Vous avez récemment dit que le Maroc est un pays au référentiel islamique, comme votre parti. Eh non, la Constitution dit dans son Préambule que le Maroc est un « Etat musulman souverain » et, plus loin, le même Préambule insiste sur « la prééminence accordée à la religion musulmane dans le référentiel national ». Ce qui n’est pas tout à fait la même chose que l’Etat à référentiel islamique total que vous évoquez. Votre parti n’est pas le pays, M. Benkirane, et le PJD ne sera jamais le Maroc. Ne l’oubliez jamais.
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