Bon, vous allez encore dire que j’apocalypse et pluie de grenouilles, mais que voulez-vous ? C’est quand même pas de ma faute, quand même les analystes économiques les plus optimistes se disent que 2016 est probablement une annus horribilis pire que l’originale. Ben oui, figurez-vous, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, pris dans les perspectives de « croissance » de l’Union Européenne à 0,4% que la situation économique globale n’est pas franchement reluisante. En fait, depuis 2010, la croissance mondiale n’a cessé de baisser chaque année. Et en 2016, elle ne devrait pas excéder 3,1 %.
3,1 % ça vous paraît beaucoup ? Eh bien non, parce que évidemment, c’est une moyenne entre tous les pays et cela signifie que l’on n’a plus de grandes locomotives et que tout le monde est à la peine. Côté boursier, on s’inquiète aussi avec des valeurs de plus en plus volatiles et des banques qui, en période de taux négatifs, commencent parfois à afficher des pertes, comme la Deutshe Bank ou le Crédit Suisse. Bref, rien ne va plus et tout cela, sur fond de vraie crise monétaire.
Eh oui, plus on voit d’argent et plus on a un problème. Concrètement, je le disais hier, on a aujourd’hui 10 fois plus d’argent en circulation qu’il y a dix ans et les liquidités créées par les banques centrales sont équivalentes à environ 30 % du PIB mondial contre 6 % à la fin des années 90. Au résultat, toutes les crises s’en trouvent aggravées, parce que les mouvements financiers sont rapides et volatiles. Résultat ? Les émergeants émergent difficilement et hop ! En un tsunami, ce sont des centaines de milliards de dollars qui fuient presque instantanément. Vous imaginez l’impact pays ? Non, vous n’avez pas à l’imaginer, vous le voyez tous les jours, dans l’actualité, quand on vous dit que le Brésil ne va pas bien par exemple. Et bien sûr, l’argent ne disparaît pas, il vient juste alimenter une autre bulle, l’immobilier là, la bulle des emprunts obligataires plus sûrement d’ailleurs et celle-ci aussi finira par exploser, en faisant plus de dégâts du fait de ces problèmes monétaires que du fait de la crise elle-même. Oui parce que projetons nous juste un instant : on le sait, les taux d’intérêt à long terme sont très bas. Or donc, s’il s’avérait que par hasard, le pétrole finissait par remonter, une hypothèse, comme ça, on pourrait avoir un retour inopiné de l’inflation. Et alors, là, bonjour les dégâts ! Les emprunteurs, dont les états seraient insolvables et les prêteurs, les banques notamment, vous savez, les too big to fail ? Perdraient beaucoup en capital. Mais bon, ça n’est vraiment pas le sujet. Ou bien alors si ?
Oui, on a un problème, et même un sacrément gros problème, directement lié à Houston, enfin à Washington, enfin à l’idée que le dollar ne mène plus le monde, en tout cas et que le pétrodollar est… Comment dire ? Doublement attaqué. Oui, parce que pendant des décennies, le dollar s’est maintenu comme référence parce que seule monnaie d’échange pour le pétrole. Cela a permis aux États-Unis de faire fonctionner la planche à billets, tranquilles, puisque tout le monde voulait des dollars. D’où une dette colossale mais considérée pas dangereuse, et tous les excès que l’on connaît, bref. Je ne vais pas refaire l’histoire. Or que voit-on ces derniers temps ? Une vraie guerre des monnaies qui fragilise le dollar et un pétrole à un niveau très bas lui aussi. Le résultat, dans un système de taux de change flottant est une spéculation sauvage sur la monnaie elle-même, le tout dans un contexte où l’argent coule à flot, on l’a dit sans pour autant qu’on soit en inflation du tout. Au contraire, partout, on nous parle de désinflation pour ne pas dire déflation. Là-dessus, que voit-on ? Une baisse tendancielle sévère des échanges entre régions, chacun se repliant sur son marché intérieur. Chine pour Chine, Europe pour Europe, USA pour USA, etc. J’en veux pour preuve le fait que le Baltic Dry Index, qui reflète logiquement l’activité de fret maritime en vrac sec (c’est-à-dire pas le pétrole) est à moins de la moitié de sa valeur de 2008, pourtant officiellement période de la grande crise, son plus bas historique. Bref, on ne commerce plus. Or que se passe-t-il quand vous avez bézef dial le pognon à placer et très peu de valeurs en hausse basées sur de l’économie réelle ? Oui, voilà, de la spéculation sauvage.
Ouais, je ne suis pas sûre que cela puisse arriver dans la rue, juste à Wall Street, mais bon. Bref, si les analystes ont raison, et ils sont nombreux et, ce qui est amusant, d’obédiences fort différentes à voir venir la catastrophe, ça ne va pas bien se passer à échéance plus ou moins courte. Alors, il y a ceux qui vous disent que tout va sauter dans les quelques mois qui viennent et que demain, on n’aura pas d’autre choix que de repartir sur un système de taux de change fixe, parce que après tout, quand on était sur le système de Bretton Woods, on n’a pas connu de crises en 20 ans, alors que depuis les années 70, on est sur un rythme de crise moyen de tous les quatre ans. C’est faire peu de cas du fait que les 30 Glorieuses était un temps de reconstruction après guerre, boosté par la guerre froide en prime, tandis que nous sommes désormais dans un système libéralisé et mondialisé jusqu’au trognon, mais peu importe. D’autres vous expliquent que non, au contraire, il faut que tous les pays du monde soient en taux de change flottant, assurant d’une certaine manière la survie du plus fort au sens darwinien le plus brutal possible, mais je vous rassure, ils sont de moins en moins nombreux. D’autres, enfin, se demandent si la solution ne viendrait pas, non pas d’un taux de change fixe ou flottant, parce que finalement, les deux sont contrôlables ou gérables plus ou moins, à condition qu’on ait les moyens de réguler le régime de change. Et alors là, par qui ? Probablement par un FMI nouvelle formule, qui s’adosserait à l’ONU pour être sûr d’être légitime et de toucher tout le monde. Cela pourrait constituer une tentative de réforme de l’ONU comme un système stabilisateur, nous expliquent-ils. Mais quoi qu’il en soit, que les analystes soient optimistes, pessimistes, libéraux ou bien keynesiens, qu’ils s’imaginent l’apocalypse pour demain, après-demain ou bien encore l’avènement du Grand Bisounours régulateur, tout le monde est d’accord sur un point : le système actuel est en difficulté structurelle et il faut absolument réformer ou réguler le principe du change flottant. Ah et enfin admettre qu’on n’est plus à la période du dollar triomphant et donc acter le monde nouveau sur un panier de devise plus stable. Or devinez quoi ? Si l’on exclut le dollar, le reste des grandes monnaies évolue de manière sensiblement corrélée…
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