Certains ont dit qu’on était tombé de Charybde en Scylla, d’autres, moins cultivés, ont affirmé que nous allons de mal en pis… Mais les mieux informés soutiennent l’idée que la démocratie, sous nos cieux, avance pas à pas. Sans même reculer de deux, pour avancer de trois. Nous ne reviendrons pas sur ce qui a été abondamment dit et redit, écrit et recopié : le roi a fait une lecture de la Constitution, dans sa lettre et aussi, et surtout, dans son esprit. C’est le PJD qui doit diriger ce gouvernement, et puisque le numéro 1 du parti n’a pas su, ou pu, ou voulu, réunir une majorité parlementaire, alors on passe au numéro 2.
Mais le PJD ne veut rien savoir. Il fallait garder Benkirane, quitte à continuer de bloquer le pays et ses institutions. Benkirane ne trouvait-il pas de terrain d’entente avec Aziz Akhannouch, le chef du bloc des 4 partis que sont le RNI, l’UC, l’USFP et le MP ? Pas grave, maintenons Benkirane et insultons Akhannouch. Benkirane ne voulait-il pas vraiment former ce gouvernement avec Akhannouch, ainsi qu’il l’a lui-même annoncé au sein de son parti dans une vidéo diffusée sur le site du PJD ?
On passe alors sous silence les 5 mois d’attentisme et d’immobilisme, et on insulte toujours copieusement Akhannouch. Le roi a choisi le numéro 2 du PJD, Saâdeddine El Otmani (sans H car il n’est pas ottoman mais amazigh) pour former son gouvernement ? Fort bien, on attaque alors ledit El Otmani, et on insulte toujours Akhannouch.
Le désormais ancien chef du gouvernement, mais toujours chef du parti, prend très mal la chose, c’est-à-dire son éviction. Il savait pourtant pertinemment qu’il était dans une impasse, et que cette impasse n’était due à rien d’autre qu’au diktat des chiffres, des 125 sièges dont on a tout dit, sauf qu’ils ne permettent pas de former un gouvernement majoritaire. Comme le veut la Constitution.
Alors on attaque, on insulte, on accuse et on accable. On en arrive même à oublier ce pauvre Akhannouch, pour ne s’occuper que d’El Otmani, qui a tout concédé, qui n’a rien défendu, qui n’a pas résisté. Florilège, et précisions. Le gouvernement El Otmani est bourré de technocrates ? Faux. Toutes catégories de ministres confondus (ministres pleins, ministres délégués et Secrétaires d’Etat), il y a 7 technocrates, autant que de RNI, et 12 PJD. De plus, il y exactement autant de technocrates dans le gouvernement El Otmani qu’il y en avait dans celui de Benkirane.
Le PJD est le dindon de la farce, si on peut qualifier de farce la formation d’un gouvernement ? Faux encore. Le PJD aligne le plus fort contingent de ministres pleins et de Secrétaires d’Etat. El Otmani a accepté de renoncer à la logique des négociations de Benkirane ? Encore faux. Avec ses 12 députés, le petit PPS, et néanmoins grand allié stratégique du PJD, a plus de ministres pleins que le MP, que l’USFP et que l’UC, bien que ces trois partis aient bien plus d’élus que le PPS.
El Otmani a réservé une place de choix à l’USFP ? Faux. Le Premier Secrétaire n’est pas au gouvernement et l’USFP ne dispose d’aucun ministre plein. Le RNI s’est taillé la part du lion dans ce gouvernement ? Faux, encore une fois, car il a été reconduit dans les grands ministères qu’il avait déjà et que Benkirane voulait à tout prix lui conserver, à travers son insistance à négocier avec Akhannouch.
Finalement, s’il y a une leçon à tirer de ce basculement de Benkirane à El Otmani, c’est que le premier a terminé sa guerre personnelle contre l’ensemble de la scène politique et a entamé sa lutte fratricide au sein de sa formation. Le prochain terrain de jeux sera pour Benkirane son maintien à flot, c’est-à-dire au secrétariat général du PJD, quitte à en changer les statuts, et pour El Otmani de réussir son challenge gouvernemental. Puissent les dirigeants, cadres et militants du PJD comprendre où se trouve leur intérêt. Et surtout celui du pays.
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