La difficulté à se reformer est une faiblesse universelle comme l’est de nos jours la croissance économique.
La modification des modes d’organisation et de fonctionnement économiques et sociaux est posée partout comme une impérieuse nécessité et ce, dans un monde de plus en plus globalisé et concurrentiel, un monde qui se dessine comme celui du savoir et de la connaissance.
Partout, on nous parle de réformes de Pékin, à Athènes, de paris à Tokyo… Pourtant, le consensus sur le type, la nature et le rythme des changements à opérer reste difficile à atteindre, la conduite effective du changement n’en parle pas…
Partout les résistances au changement demeurent. Il est vrai que le changement déstabilise, crée de l’insécurité, des situations d’inconfort, de la douloureuse remise en cause.
La réforme est partout semée d’embuches. Elle se doit de respecter les institutions et ses procédures. Elle se doit de tenir compte des avis politiques, des corps intermédiaires, des corporatismes avoués et non avoués, de l’opinion publique. Elle est également disséquée par les parlementaires, eux même traversés par des courants, des vents, des pressions, des clivages multiples.
Une véritable et périlleuse course d’obstacles se joue alors mais qui parfois vide la réforme de sa substance ou la freine considérablement, la rendant parfois même caduque.
La réforme ou sa veine tentative peut faire choir ses promoteurs, c’est se faire rapidement et gratuitement des tas d’ennemis alors qu’il est si rentable et si payant politiquement que de passer entre les gouttes, d’entretenir et de renouveler les désormais incontournables et perpétuels rapports, avis et études…
Même votée, cette fameuse réforme, encore faut-il l’appliquer sur le terrain au travers d’agents publics suffisamment motivés, inspirés, respectueux de son esprit et de sa lettre.
Reformer, c’est lent et c’est long et c’est un processus sans cesse inachevé et entaché d’incertitudes, alors que la globalisation et l’ouverture accélérée imposent à la fois remise en cause permanente, évaluation objective et amélioration continue.
En matière d’Éducation, les affrontements idéologiques et politiques ne doivent pas prendre le pas sur une réflexion dépassionnée basée sur l’analyse sans concession et objective de l’existant, les nombreuses expériences étrangères, les analyses sociodémographiques et culturelles.
Lorsqu’on évoque la réforme de l’école, on évoque aussi forcément des conservatismes et des corporatismes puissants au Maroc comme ailleurs. De nombreuses études montrent que les blocages, les inégalités et les archaïsmes sont d’abord au cœur de l’école elle-même.
L’École doit être au rendez-vous de son époque, permettre d’abord la lutte contre le décrochage scolaire et les difficultés d’insertion. Elle doit être un outil au service de la transformation des destins et de la mobilité. L’école doit permettre avant tout à cette jeunesse l’émancipation et lui permettre tout simplement de devenir acteur de sa vie.
À mon sens, la remise à plat de notre système éducatif repose sur les piliers suivants :
1/Impliquer les populations et les jeunes eux-mêmes car quand on veut dessiner l’avenir il faut nécessairement impliquer ceux qui demain le feront.
2/Il faut être réactif car les études et les évaluations sont très vite déjà caduques dans un monde qui bouge vite, très vite.
3/Assouplir le système éducatif vers plus d’équité et non pas la stricte recherche de l’égalité absolue. Les capacités sont différentes pour les élèves et les différences entre les zones rurales et les zones urbaines sont grandes. On ne peut pas réduire toutes les différences d’un coup de baguette magique… Un niveau d’exigence trop élevé peut conduire une partie des élèves à l’échec.
4/Il faut nécessairement mettre en place une individualisation car l’hétérogénéité des élèves s’est accrue avec la massification.
5/ Renforcer les connaissances et compétences de base, s’exprimer oralement, écrire, compter, lire et savoir utiliser internet… déjà.
6/ Il faut axer l’effort sur les compétences de base, poursuivre un objectif pragmatique c’est le sens de la stratégie aujourd’hui adoptée par le Maroc.
7/ Instituer le Droit au redoublement et à la réorientation en cours de parcours.
8/ Mettre en place un véritable et puissant système participatif et contrôle, des méthodes, des outils et des organes de contrôle et d’évaluation réguliers, objectifs et indépendants… comme d’habitude sans contrôle, pas de crédibilité.
9/ L’enjeu principal reste la formation pédagogique des enseignants, qualité de l’éducation, car des travaux ont montré l’évidence : la qualité des enseignants est un facteur décisif de la réussite des élèves.
La formation des enseignants et leur évaluation sont des enjeux capitaux négligés pour des raisons corporatistes ou politiques. Enseigner est un métier qui s’apprend du point de vue des connaissances académiques mais aussi des capacités pédagogiques. La formation pédagogique c’est justement la moitié du temps de formation, enseigner c’est aussi des techniques à acquérir. Nos enseignants les ont-ils ?
10/Les objectifs doivent être clairs avec des moyens financiers et matériels à la hauteur des enjeux…Où sont ces moyens ? Pas dans la loi de finances 2016 en tout cas…
11/ Sur le plan des connaissances cognitives, les choses se jouent très tôt dans la vie…et le retard pris dans les premières années est difficile à combler… C’est à la maternelle et à l’école primaire que le fossé se creuse…et c’est donc là qu’il faut agir en premier lieu.
12/Les compétences sociales, les qualités relationnelles et la personnalité sont désormais perçues par les sociologues et psychothérapeutes comme aussi importantes que les compétences cognitives : conscience professionnelle, interaction, sociabilité et rapport au groupe, contrôle de soi, … Cela est considéré comme le rôle de la famille, en fait c’est aussi le rôle de l’école, à travers un système plus participatif moins hiérarchique…C’est une question cruciale s’agissant d’une économie en voie de tertiarisation et désormais fortement orientée vers les services aux entreprises et à la personne.
Attention à l’élitisme et aux filières dites généralistes privilégiées excessivement au détriment des filières agricoles et secondaires ! Attention à ne pas aggraver les inégalités territoriales déjà grandes au Maroc ! Veillons bien à la valorisation des formations et filières professionnelles, car dans le cas contraire il y aura pénalisation irréversible du tissu industriel, technologique et des vocations liées !
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