Et ce matin, dans le Monde des Bisounours, on va parler, forcément, du rapport du Conseil National des Droits de l’Homme sur l’État de l’égalité et de la parité au Maroc. Un rapport qui a résonné comme un coup de tonnerre car il dit ce que tout le monde sait mais ne veut pas dire : non seulement l’égalité hommes-femmes ne progresse plus depuis la si mal appliquée nouvelle Moudawana, mais en plus, elle régresse.
Et notamment, le CNDH pointe du doigt ce qui fait mal, et je cite : « trois ans après son entrée en vigueur, la mise en œuvre de la Constitution a été marquée par une évaporation progressive des promesses constitutionnelles. » Évaporation progressive, qu’en termes élégants ces choses-là sont dites ! De même, lorsque le CNDH déclare qu’il faut « amender le Code de la famille de manière à accorder aux femmes les mêmes droits dans la formation du mariage, dans sa dissolution et dans les relations avec les enfants », cela paraît naturel, clair, évident. Mais ce que cela signifie a fait l’effet d’une bombe lors de la conférence de presse du CNDH, lorsque Driss El Yazami a présenté le rapport.
En clair, le CNDH recommande l’égalité totale, y compris et Driss el Yazami l’a bien précisé, au niveau successoral ! Et ça, c’est le grand tabou, parce que l’héritage, nous explique-t-on, est régulé par la Chariâ.
Sauf que concrètement, de ce que le Coran recommande des droits et devoirs des deux sexes, il semble que la société actuelle n’ait retenu que ce qui va à l’encontre des droits des femmes. Parce que cette inégalité successorale s’expliquait par le fait que les hommes étaient en charge de subvenir aux besoins des familles, ce qui n’est plus le cas, ni dans la loi, ni surtout dans les faits. Qui peut prétendre que la modernité n’a pas donné à chacun la responsabilité de contribuer aux revenus du foyer, pour élever les enfants ?
D’ailleurs, le rapport du CNDH, en dehors même de ce point tremblement de terre de l’égalité successorale, met vraiment sur la table les rapports hommes-femmes dans la famille. Ainsi, il pointe encore l’inégalité dans le mariage, la difficulté du divorce, les droits très limités des mères, même lorsqu’elles sont reconnues seules responsables de l’entretien des enfants (ce qui arrive souvent). Bien sûr, dans ce rapport, on parle aussi de la recrudescence des mariages précoces et même de la polygamie. Bref, tout, tout ce que tout le monde sait mais ne veut pas dire est là en plein jour et à le lire, ce rapport, cela devient lumineux : comment peut-on vivre avec un si gros éléphant dans la pièce ? C’en est risible, de ne pas avoir pu en discuter avant.
Et ce qui permet cet espoir, c’est que cette fois-ci, ce ne sont pas trois féministes dans un coin qui demandent des droits que l’on ne devrait pas pouvoir leur dénier, mais une institution tout à fait reconnue et officielle. Là, pas d’hystérie, pas de déraison, non. Un constat clair, pas contestable. Reste bien sûr l’argument religieux, qui, pour contestable qu’il soit en l’occurrence puisqu’aux femmes ne restent que des devoirs et plus de droits, est inévitable. Alors le CNDH a remis au centre cette question de l’égalité, à la place qu’elle doit avoir.
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