« La meilleure façon de résister à la tentation, c’est [parfois] d’y céder », disait Oscar Wilde. Un blog du Monde, tenu par des journalistes d’Internet Actu, semble nous le confirmer en nous présentant quelques études de psychologues comportementaux. En Amérique du Nord, il y en a beaucoup, de psychologues qui se dédient à la recherche comportementale.
Au cours d’expériences aux protocoles rigoureux, deux chercheurs canadiens ont compté, pesé et mesuré les agissements de leurs étudiants — volontaires.
Première remarque, qui semble une lapalissade : ceux qui se contrôlent le mieux sont ceux qui prennent plaisir à cela. (Il est toujours bon de rappeler que le plaisir est — aussi — là pour nous aider.) Second résultat, qui a, lui, l’apparence d’un paradoxe : ceux qui se contrôlent le plus sont ceux qui y arrivent le moins. Plus l’étudiant fait des efforts pour se contrôler, moins il obtient de résultats. Qu’il s’agisse de manger, ou pas, un bonbon ou un morceau de gâteau, de se nourrir sainement ou de faire du sport… le plus efficace, découvrent nos blouses blanches, est encore de détourner l’attention, de faire ou penser à autre chose. Les gens qui se contrôlent le mieux, eh bien… ce sont ceux qui se contrôlent le moins. C’est-à-dire qui n’y pensent pas.
Nos journalistes font un parallèle intéressant avec un ouvrage publié l’an dernier par deux philosophes, Carl Cederström et André Spicer, et intitulé Le Syndrome du bien-être. Il y est question des effets de l’injonction permanente, en milieux urbains, d’être toujours en forme. Ils soulignent que ce surinvestissement du corps, que ce soit par la musculation, la méditation, le coaching ou l’optimisme forcé nous est vendu dans un sens productiviste. Avec un twist. D’abord, cela conduit chacun à considérer que si son poids ou sa ligne n’est pas idéal, ce serait un échec moral personnel. Mieux : s’il perd son travail, il — ou elle — devra culpabiliser de son manque de performativité, mais certainement pas s’interroger sur son environnement économique ou la politique menée par les dirigeants de son pays. Au besoin, quiconque en aura l’habileté, pourra toujours détourner le ressentiment de la culpabilité ainsi générée vers un groupe quelconque, que l’on désignera comme un « ennemi ». Orwell décrit cela très bien.
Cela nous renvoie, bien sûr, à ce que Michel Foucault nommait la biopolitique, et la société de discipline, mise en place progressivement à partir de l’âge classique. À sa suite, beaucoup ont remarqué que le « Temps libre » est en réalité devenu un temps où l’on entretient son employabilité, c’est-à-dire son apparence physique et, un peu, sa santé. Marx dénonçait que le repos des prolétaires ne leur servait qu’à « reconstituer leur force de travail ». C’est désormais vrai pour toutes les couches sociales. On peut aussi évoquer Fatema Mernissi, qui rappelait qu’une femme constamment sous-alimentée et culpabilisée, c’est le mot clef, vis-à-vis de son corps est aussi bien — sinon mieux — contrôlée que par quatre murs. Elle voit dans cette dictature de l’image une forme d’enfermement, sans doute plus subtile, mais non moins efficace. Cela étant, on peut douter que, pour les hommes ou pour les femmes, l’échappatoire réside dans le port d’un sac à patates.
En revanche, il est possible de se souvenir que l’éducation traditionnelle — qui ne visait certes pas à la productivité ni au militarisme — passe, elle, par différentes étapes. Adultes compris. Yogis, moines zens, bouddhistes, kabbalistes, chrétiens ou soufis des temps anciens, commençaient par des exercices de détachement de l’ego. Typiquement, le novice devait se vêtir comme un pauvre, voire mendier, et, surtout, abandonner toute idée de compétition. Autant dire que la performance au bureau n’était pas le but. Après, dans un second temps, venait un retour à la vie de la cité, voire à la richesse et aux honneurs, comme ce fut le cas pour Al Ghazali ou tant d’autres, à l’exemple du Prophète lui-même. Mais cela, alors, dans le désintéressement. Foucault appelait « soin de soi » la relation antique du maître-philosophe et de son disciple. Ce « soin de soi » ne se mesure ni au tour de taille, ni au poids des haltères soulevés. Et il exclut également l’écrasement de son voisin — fût-il d’une autre entreprise, d’un autre pays ou d’une autre religion.
The Undisputed Truth était un groupe de la Motown injustement oublié. On lui doit beaucoup de bijoux de l’âge d’or de la Soul music, notamment, en 1972, l’étonnant You Make your own Heaven and Hell right here on Earth, où se perçoit la forte influence du Gospel sur le genre.
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