Je crois pouvoir dire sans crainte de me tromper que l’égalité homme-femme est l’indice le plus révélateur du degré de développement d’une société. Analysons donc brièvement sous cet angle le degré de développement de notre société marocaine.
Que disent les textes ?
La norme suprême du Royaume du Maroc est sa Constitution. Celle actuellement en vigueur a été adoptée par référendum le 1er juillet 2011. Et bonne nouvelle, cette constitution prévoit explicitement le principe d’égalité homme-femme.
L’article 19 de la norme suprême pose en effet clairement que l’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux ratifiés par le Royaume.
En d’autres termes, la femme marocaine bénéficie théoriquement du fait de cet article et des conventions internationales auxquelles il renvoie des garanties juridiques les plus élevées.
La deuxième partie de l’article 19 vient toutefois tempérer si ce n’est totalement doucher l’enthousiasme résultant de la première partie de l’article 19. Cette égalité des droits entre homme et femme est en effet explicitement subordonnée au respect des constantes du Royaume. Ces constantes sont le régime Monarchique, l’Intégrité territoriale et la Religion musulmane.
C’est cette dernière constante où à tout le moins son interprétation par le clan majoritaire des figarophobes qui atténue fortement la portée du principe constitutionnel d’égalité homme-femme. Certains d’entre eux préfèrent d’ailleurs parler de complémentarité entre homme et femme plutôt que d’égalité.
La femme serait ainsi le complément de l’homme plutôt que son égale.
Si l’on observe la réalité quotidienne de certains, cette notion de complémentarité se vérifie sans aucun doute. On retrouve ainsi cette complémentarité :
- dans l’occupation de l’espace : l’homme s’affaire à l’extérieur et la femme à l’intérieur,
- dans l’accomplissement des tâches domestiques : l‘homme salit et la femme nettoie,
- dans la conduite des affaires du couple : l’homme décide et la femme exécute.
Cette hésitation entre d’une part les principes universels auxquels le Maroc a souscrit et d’autre part les constantes du royaume, cette impossibilité à trancher définitivement entre égalité et complémentarité nous place dans une situation juridique tout à fait singulière.
Ainsi, la femme est l’égale de l’homme mais en matière d’héritage il faut donner au fils la part de deux filles.
La femme est l’égale de l’homme mais l’homme peut toujours avoir plusieurs épouses.
La femme est l’égale de l’homme mais l’homme peut toujours épouser une fille mineure avec l’autorisation du juge.
La femme est l’égale de l’homme mais elle doit obtenir l’autorisation du père ou à défaut d’un juge pour voyager en compagnie de ses enfants.
La femme est l’égale de l’homme mais le code pénal et la pratique des cours et tribunaux hiérarchisent les victimes de viol et distinguent selon qu’elles sont mariées ou pas, vierges ou pas. La victime vierge ou mariée étant naturellement plus victime que la victime non mariée ou non vierge. Et le viol entre époux n’est toujours pas pénalement répréhensible.
L’honnêteté commande de conclure que l’égalité n’existe donc malheureusement ni dans la loi ni dans les faits. La faire exister dans la réalité est un combat long et difficile articulé autour des chantiers colossaux de l’éducation et de la culture.
La faire exister dans nos lois en revanche ne nécessite qu’un peu de courage politique. Et si nous ne le faisons pas pour nos filles ou nos femmes, faisons-le pour nos mères.
Poster un Commentaire