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État des lieux de la crise de la pensée au Maroc


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Les invités

• Rachid Benlabah, enseignant chercheur à l’Institut des Etudes Africaines

• Driss Aissaoui, consultant et analyste

• Jean Zaganiaris, sociologue

• Mohamed Benmoussa, membre du bureau exécutif du mouvement Damir

Édito

Une société est ce qu’en font ses penseurs. Économistes, politiques, sociologues, philosophes. Ils pensent leur monde, leur époque, leurs sociétés. Ils se posent des questions, ils ont très peu de réponses et s’élèvent contre les certitudes ; ils refusent d’obéir aux ordres de la fatalité. Le penseur est aux autres hommes, dit-on, ce que la locomotive est aux wagons : il conduit au lieu de suivre. L’incompréhension est sa première source d’inspiration, le questionnement est sa matière première. Tout fait penser un penseur et l’unanimité l’interpelle et pourrait l’insupporter tant elle ne conduit pas à grands progrès.

La pensée n’est pas une utopie, elle est, au contraire, réflexion profonde et concrète dans une éternelle recherche de mieux, car un penseur ne se suffit pas du bien ; il veut toujours mieux. La pensée pour combattre l’ignorance, la pensée pour combattre la misère, la pensée pour combattre le besoin et la maladie. La pensée pour combattre les inégalités, la pensée pour combattre l’ignorance, car c’est elle la première source de toutes les inégalités. Les grands penseurs des époques les plus anciennes à celles plus récentes, peuvent disparaitre mais leurs écrits restent ; leurs idées subsistent et traversent les siècles et les frontières. Car la diffusion de la pensée est essentielle à sa survie.

Le Maroc a ses intellectuels, ses écrivains, ses philosophes, ses économistes et ses politiques. Chacun a sa manière et dans son champ de prédilection œuvre dans un sens ou dans un autre à construire un Maroc meilleur. Leur pensée n’est pas unique. Elle est plurielle et tend à refléter une société qui se cherche, ne se connait pas ou ne se reconnait plus. Une société qui se suffit d’un minimum ou qui, au contraire, s’accroche à un niveau d’ambition extrême dont elle n’a pas encore les moyens. Une société où le vivre ensemble a une histoire glorieuse, mais qui présentement semble davantage se retrouver dans un individualisme qui, bizarrement, semble lui être douloureux.

Mais si, dans l’absolu, le penseur est un leader d’opinion par sa pensée et sa réflexion ; si le penseur est cette locomotive que les wagons suivent, si le penseur est investi d’une mission essentielle, il nous est, malheureusement évident, qu’au Maroc, la pensée a bien du mal à s’annoncer, à s’imposer, à se diffuser et à conduire vers elle et derrière elle, une société qui, par moments, est bien tentée de renoncer à ses idéaux car se sentant perdue et lâchée par ses élites intellectuelles.

La pensée marocaine est-elle victime de la réserve de ses penseurs ? Des pensées belles, fortes et ambitieuses d’un grand Maroc mais qui pêchent, sans doute, par leur caractère éparse, occasionnel et ponctuel. Une pensée peut être encore trop orale et très peu écrite, éditée et diffusée dans une société présentant une carence chronique de lecture. Qui sont les penseurs du Maroc ? Que veulent-ils pour le Maroc et comment le font-ils savoir ? C’est le débat que nous ouvrons avec nos invités cet après-midi dans Avec Ou Sans Parure.


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