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Faut-il retirer aux banques privées le pouvoir de création monétaire?


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Et ce matin, premier Bisounours de l’année, forcément, on va parler d’une idée qui pourrait changer le monde : et si on retirait aux banques privées le pouvoir de création monétaire ?

Oui, parce qu’officiellement, bien sûr, le pouvoir de battre monnaie est réservé à l’état ou à la banque centrale, enfin c’est un pouvoir régalien, si vous préférez. Sauf que dans un monde où la majeure partie des échanges sont dématérialisés, de facto, le pouvoir de création monétaire revient aux banques privées qui créent de l’argent lorsqu’elles en prêtent sans le posséder et en détruisent lorsqu’elles recouvrent leurs créances. Le système est connu, mais il commence, remise en cause du principe de la finance devenue folle oblige, à être de plus en plus contesté. Ainsi, en 2015, un rapport parlementaire islandais a proposé d’en finir avec ce pouvoir, mais ce n’est pas très étonnant et vous me direz, ah, encore l’Islande, mais bon, tout petit pays, sans intérêt, tout ça, tout ça. Oui mais voilà, l’idée revient, via une initiative populaire, en Suisse, l’autre pays de la banque.

Oui, alors le pouvoir au peuple et doublement, car vous connaissez le système suisse, c’est une démocratie aussi directe qu’il est possible de l’imaginer, donc il s’agit là d’une initiative populaire, c’est-à-dire qu’une proposition faite en juin 2014 par un groupe dirigé par un instituteur alémanique, Hansruedi Weber, a recueilli plus de 100 000 signatures pour poser cette question sur la table. Dès lors, il va donc y avoir une votation sur la question, c’est-à-dire un référendum. Ce n’est pas immédiat, évidemment, puisque le conseil fédéral, c’est-à-dire le gouvernement et le parlement vont d’abord devoir se prononcer avant que, à une date qui reste à définir, le peuple suisse fasse de même. Là, il faudra, pour que la proposition soit acceptée, qu’elle obtienne non seulement la majorité populaire au niveau fédéral, mais aussi dans au moins 12 des 23 cantons de la Confédération. Vous me direz que ce n’est pas gagné et ce n’est pas faux,  parce que, vous n’aurez pas manqué de noter qu’aucune date n’est clairement donnée pour cette votation et donc, on peut attendre longtemps, longtemps !

Par contre, l’idée séduit aussi bien à droite qu’à gauche et pourrait bien, arriver au stade de la votation. Et là, la question se pose : exactement, quelles en seraient les conséquences et comment ça marcherait, cette affaire ? Non, parce que la question n’intéresse pas que la Suisse et elle revient, comme une antienne, dans l’esprit de beaucoup, en Europe et ailleurs. Alors, revenons sur le cas suisse et extrapolons à partir de là. La constitution suisse détermine, dans son article 99 que la Confédération est seule à pouvoir battre monnaie, ce qui est logique. Et dans son article 99-2, elle reconnaît à la Banque Nationale Suisse « indépendante » le droit de et je cite « mener une politique monétaire servant les intérêts généraux du pays. » Ce qui signifie que, comme presque partout ailleurs, la BNS a le monopole de l’émission des pièces et billets et tente, par une politique d’ajustement des taux directeurs, d’influencer les banques privées qui elles, par le jeu des prêts et du recouvrement des créances, créent de facto l’essentiel de l’argent scriptural en circulation. Or, pour les promoteurs de l’initiative populaire, cela ne fonctionne pas. On ne peut pas franchement dire le contraire, on en a l’exemple tous les jours en Europe comme au Japon, au Maroc et ailleurs. Et cela encourage la formation de bulles spéculatives ou, au contraire, freine la production de crédits lorsque celle-ci serait nécessaire. Là encore, on voit bien le problème au Maroc, notamment. Sans compter que la privatisation de la création monétaire prive l’état d’un revenu qui lui serait bien utile. Bref, au final, tout cela mène à une financiarisation de l’économie dommageable aussi bien pour l’équilibre budgétaire des pays que pour la croissance des économies. Donc, il faut changer cela.

Pour que la BNS récupère le pouvoir intégral de création monétaire, il faudrait alors que les prêts accordés par les banques privées soient couverts par de la monnaie de la banque centrale au bilan de l’établissement. Ce qui signifie que concrètement, la banque nationale récupère la maîtrise presque totale de l’économie, peut totalement éviter les bulles et maîtrise directement les crédits. Là dessus, le projet prévoit également de donner à la BNS la responsabilité de financer les pouvoirs publics via des dons, carrément, et non plus des prêts, déterminés à hauteur des besoins. Un pouvoir énorme, donc, qui serait contrebalancé par un contrôle plus direct des citoyens sur la BNS qui perdrait pas mal de son indépendance. Dans la foulée, on n’en est plus à une révolution près, on évoque la possibilité d’un revenu minimal universel, parce que, quoi. Bref ! Autant dire que cette mesure changerait totalement la donne. Mais je ne suis pas sûre qu’elle soit réaliste à un seul pays isolé comme ça.

Oui, parce que forcément, les banques privées ne sont pas très favorables et c’est rien de le dire à cette mesure et elles pourraient bien fuir le pays encore plus vite que les capitaux sur compte numérotés ne l’ont fait l’an dernier quand la fin du système bancaire  opaque a sonné. Or elles représentent quelques 12 % du PIB suisse actuel. Mais de nombreux économistes sont malgré tout d’avis que mieux vaudrait un système bancaire restreint mais stable plutôt que de grosses machines instables, spéculatives et too big to fail au détriment des populations. D’autant qu’il est possible qu’un nouveau modèle suisse entraîne d’autres économies à faire de même, notamment en Europe où l’on réfléchit de plus en plus aux moyens de sortir de la crise de la dette. Bref, solution ou utopie ? Ce qui me rassure, personnellement, c’est que, en Suisse comme ailleurs, on commence en tout cas à réfléchir en dehors du cadre restreint du système actuel, qui est mourant et nous entraîne tous dans sa chute.


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