Un article du Courrier International m’a interpellée cette semaine. L’ONG suédoise Global Challenges Foundation estime que l’humanité aurait quelque 9,5 % de chances de s’éteindre dans les 100 ans à venir, du fait de catastrophes potentielles aussi diverses que le réchauffement climatique, une guerre nucléaire ou deux, une pandémie ou encore une catastrophe naturelle quelconque.
Alors évidemment, dévorée de curiosité, je me suis précipitée pour chercher exactement comment cette ONG, accolée à une équipe de chercheurs d’Oxford, nous dit-on, en sont arrivés à cette conclusion. Ils dressent la liste des risques potentiels qui pourraient affecter la vie humaine. Le premier, évidemment, est le réchauffement climatique, postulant qu’il pourrait être bien plus rapide et drastique que prévu par les projections actuellement médiatisées, car par un effet accélérateur de feedback, il pourrait y avoir une forme de réaction en chaîne. Auquel cas, un réchauffement de par exemple 6° mettrait en danger une part conséquente de la population humaine, le reste étant susceptible d’être pris dans des guerres pour les ressources et des catastrophes en chaîne, bref… Pluie de grenouilles, quoi.
Bien entendu, deuxième risque systémique, identifié depuis Hiroshima et prégnant durant toute la guerre froide, c’est la probabilité d’une guerre nucléaire. Elle anéantirait des millions de personnes directement et puis s’ensuivrait un hiver nucléaire qui pourrait tuer le reste de la population ou presque. Mais bon, Global Challenges Foundation reconnaît que le risque a tendance à être moins important ces derniers temps, encore que…
Ensuite, risque suivant, la pandémie. Eh oui, la peste noire, la grippe espagnole, etc. Ont tué une part conséquente de la population en leur temps. Il est donc envisageable qu’une autre pandémie majeure, se répandant comme une grippe mais avec la mortalité d’un Ebola, par exemple, pourrait d’un coup anéantir la civilisation ou en tout cas, l’affaiblir. Si le développement des voyages individuels et des connections entre les continents font augmenter la possibilité d’une pandémie réellement mondiale, en revanche, les progrès de la médecine rendent probable une solution médicale permettant à au moins une proportion significative de la population de survivre.
Vient encore les risques de catastrophes naturelles, genre une super éruption volcanique, qui pourrait recouvrir de cendres l’ensemble du monde. Oui, ce rapport, c’est un peu la liste de tous les films catastrophes des dernières décennies, en dehors de, et je finis par me demander pourquoi, une invasion extraterrestre.
Allez, on finit la liste des catastrophes qui, tel le ciel des gaulois, vont peut-être nous tomber sur la tête avec la technologie, l’intelligence artificielle et tout ce que les progrès peuvent générer d’incontrôlable. Le rapport n’en parle pas, mais après tout, cela fait un certain temps que des physiciens se demandent si les recherches faites au CERN sur le Boson de Higgs ne vont pas, en cas de disfonctionnement, provoquer la fin du monde. Alors, évidemment… Reste une dernière catégories de risques, absolument pas définis, qu’ils appellent gentiment : les risques indéfinis, non prévisibles. L’idée est que les progrès technologiques ont amené toute une catégorie de risques dont on n’avait pas l’idée il y a 50 ans, pas de raison donc que de nouveaux risques n’émergent pas. Evidemment, vu comme ça, même les petits bonhommes verts sont envisageables. Alors, vous me direz : avec tout ça, comment ils arrivent à chiffrer la probabilité de la fin du monde, qu’elle soit nucléaire, pandémique, technologique ou autre ? Eh bien… J’en ai aucune idée. De chapitre en chapitre, on nous dit qu’il y a « des chances non négligeables », « de vraies possibilités », « une propabilité non infime », etc. Rien de tout cela ne me permet réellement de déterminer la méthodologie de l’ONG ou de l’équipe de recherche d’Oxford associée qui leur fait dire qu’il y a peu de chances qu’une catastrophe n’arrive dans les 5 ou 10 ans à venir, mais qu’à échéance d’un siècle, les probabilités d’une catastrophe globale sont de près de 10 %. Par contre, partout dans le rapport, on voit souligné et mis en valeur l’impact humain ou la possibilité de l’humanité de réduire les risques externes.
Et cela, ça signifie que cette vision dystopique du monde propose, à l’inverse, une possibilité d’utopie, un discours sur le monde et la mondialisation. L’idée défendue est que le monde est aujourd’hui trop petit et trop interconnecté pour que l’on puisse continuer à le diriger nation par nation, qu’il faut une gouvernance globale visant à préserver le bien commun et non pas des intérêts individuels nécessairement court-termistes. L’idée est belle, bien sûr… Mais dans le détails, qui, quoi, comment ? En creusant un peu, on trouve que le Global Challenges Foundation a lancé le GCF Forum, lequel vient de promouvoir depuis 2014 deux initiatives intéressantes : le projet Gulfnet à Abou Dhabi et le Genesis Energy Center à Pune, en Inde. Et tiens, tiens, ces deux projets ont des ramifications géopolitiques non négligeables. Le Genesis project a pour but d’arriver à maîtriser la production énergétique, pour une meilleure intégration et un passage contrôlé des énergies fossiles à des énergies renouvellables, le tout géré au niveau mondial, finalement par des agences supra-gouvernementales mais dans le modèle duquel les états trouveraient leur intérêt. Le premier, celui d’Abou Dhabi est encore plus intéressant puisqu’il postule qu’il faut une réponse coordonnée aux différents problèmes de sécurité dans la région du Moyen-Orient. Une réponse coordonnée et militaire, bien sûr. Et la question à 100 dirhams c’est : coordonnée par qui, comment ?
Je n’ai pas la réponse à cette question. Mais ce qui m’a fascinée, c’est de voir combien d’entre vous ont partagé cette info orientée, parcellaire, faussement scientifique, finalement puisque purement spéculative sur les réseaux sociaux, combien ont commenté ou jugé crédible cette info en ces temps troublés que les gens imaginent crépusculaires. Combien, finalement, sont prêts à croire en une lecture eschatologique de la science. Et des vendeurs d’utopie pour contrer la nuit noire et pleine de terreur, il y en a plein tout prêts à vous expliquer comment on pourrait y arriver à condition de libéraliser à tout va, d’intervenir ici ou là, de réguler et moraliser ça ou là, etc. En vérité, je vous le dis : la bisounoursie est un sport de combat et il n’y a pas de vertu de réalisme supérieure au pessimisme qu’à l’optimisme. Cela va aller, khouya, koulchi zine.
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