La philosophie est-elle compatible avec l’Islam ? C’est le sempiternel débat qui revient depuis 12 siècles en terre d’Islam.
Mais de quelle philosophie nous parle-t-on ? Du Logos grec aristotélicien ? Du matérialisme de Démocrite, de l’Hédonisme d’Épicure, de l’Idéalisme platonicien ? Du cynisme de Diogène ? Du nihilisme Heideggérien ou post-Nietzschéen?
Déjà, Vous remarquerez que la typologie est largement ethno-centrée autour de la Grèce antique et de l’Occident. Comme si, le Japon, l’Inde, l’Egypte ou la Chine, c’est-à-dire l’Orient, n’ont rien produit au niveau du concept, et se sont limités à produire des mythes et une mystique irrationnelle.
Comme si Lao Tseu, Bouddha, Chihabeddine Sohrawardi, Abou Hamid al Ghazali n’ont jamais existé, ou serait à la marge de l’histoire des concepts.
Mais aussi de quel islam nous parle-t-on ? Ash’arite, matouridite, mu’tazilite, ismalien ou imamite ?
Pour des raisons géo-historiques, c’est le prisme du logos aristotélicien qui a dominé dans l’occident chrétien et dans la sphère arabophone du monde musulman, allant de l’Andalousie à Bagdad.
Ce « Logos », qui est un phénomène proto-moderne, et qui constitue l’un des germes de l’actuelle modernité entend avec froideur disséquer le réel, les concepts, la foi et le texte sacré. Mais on ne dissèque jamais que des cadavres.
En cherchant auprès d’Aristote les justifications rationnelles de postulats irrationnels à travers la scholastique chrétienne, l’Eglise Catholique a introduit le ver dans le fruit. Ce qui explique que quelques siècles plus tard, ils se sont retrouvés avec des papes athées et des cardinaux agnostiques.
Et irrationnel, ne signifie aucunement dénué de sens, loin de là.
Car de même que le mythe donne à réfléchir sans la médiation de la raison, Il y a beaucoup à apprendre d’une histoire à coucher dehors, que d’un argumentaire aristotélicien ou kantien à dormir debout.
La raison, la modernité, c’est le désenchantement du monde !
Et ce qui a besoin d’être démontré, ne vaut pas grand-chose, disait Nietzsche. Car le mythe, le symbole et l’intuition du cœur qui est une pensée à vitesse infinie, c’est connaitre au-delà de l’intelligence.
Ainsi, je parlerais plus volontiers de théosophie.
Car de même que Dieu excède le langage, l’infini n’est pas pensable, n’est pas réductible aux catégories du Logos. Le voilé lui est inaccessible.
C’est aussi la voie de la théologie apophatique ou négative, « Tariq al nafy », pour qui, on ne peut dire de Dieu –étant au dessus de l’être– que ce qu’il n’est pas. Et ce qu’il n’est pas, il l’est éminemment.
La connaissance du « monde imaginal » dont parle Sohrawardi, est une connaissance venue de l’Orient métaphysique, qui ne coïncide pas toujours avec l’Orient géographique. C’est l’école de l’ « Istishraq », de la quête de l’Orient métaphysique, de l’Orient post ou pré-conceptuel.
C’est la théosophie de l’ « illumination » qu’on ne peut appréhender que par l’intelligence du cœur, qui ne nie pas la médiation de la raison, mais qui établie des ponts entre les deux, donnant ainsi une profondeur mystique à une « Raison » qui en est à la base dénuée.
J’en appelle à l’intelligence du cœur, du corps, et de l’esprit. C’est notre tradition philosophique et théosophique, qui, au lieu de tordre le coup aux versets coraniques pour les plier aux impératifs de la raison, leur permet de s’exprimer pleinement et de nous illuminer. « Dieu étant la lumière des lumières », « la lumières des cieux et de la terre. »
Entre le littéralisme Salafiste et la froideur de la raison, notre voie se situe ailleurs.
Et faisons en sorte de ne pas faire partie de ceux que le Coran décrit comme des gens qui « ont des cœurs avec lesquels ils ne comprennent rien ».
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