Cette semaine, l’hebdomadaire L’Obs a retrouvé l’une des musulmanes françaises qui ont témoigné dans l’article du New York Times qui a tant scandalisé le Premier ministre Manuel Valls. Au terme de ce que Matignon nous présentera peut-être comme une longue enquête dans une « no go zone » des faubourgs hexagonaux, le correspondant du journal a fini par rencontrer Saima Ashraf, une Franco-Britannique de 39 ans. Elle est maire adjointe d’un borough (un « arrondissement ») de Londres. L’on découvre ainsi que le milieu politique anglais est ce que monsieur Valls appelle un « scandaleux camp d’été décolonial » qui serait « interdit aux Blancs », selon lui. Voilà une nouvelle qui étonnera bien ceux qui étudient le monde post-colonial.
Il est tout de même remarquable qu’il ait fallu l’intervention du Conseil d’État et même de l’ONU pour expliquer aux élus français, de tous bords, que l’on ne peut pas désigner une tenue de bain comme une « provocation », ainsi que le fait M. Valls. Que dire, sinon, d’une femme en mini-jupe qui se ferait violer ? C’est parce qu’un policier canadien avait avancé ce dernier argument que des féministes ont lancé la fameuse Slut walk, qui a fait le tour du monde.
Quant à ceux de mes chers coreligionnaires qui se sentiraient par trop sensibles à la vue d’un peu de peau féminine, qu’ils se souviennent donc que les fameux versets coraniques commencent par demander, à nous, les hommes, de baisser les yeux. Lorsqu’on a les yeux baissés, c’est un fait, on résiste bien mieux à une éventuelle tentation, si faible soit-on ! Puissent-ils ainsi mieux entendre ces voix de femmes que le Premier ministre français refuse d’entendre.
Il est impossible d’aborder ce sujet sans évoquer Fatema Mernissi, dont la célèbre phrase prend ici tout son sens : « Les musulmans semblent éprouver un sentiment de puissance virile à voiler leurs femmes, et les Occidentaux à les dévoiler ».
Elle allait plus loin en notant que, depuis les Lumières en tout cas, en Occident, je cite : « le théâtre du pouvoir gère la confusion entre masculinité et intelligence ». En effet, Kant, comme tant d’autres, prétend que : « L’étude laborieuse ou la cogitation morose… anéantissent… les charmes » d’une femme. Ce préjugé sexiste est depuis longtemps intégré à la mentalité française et a participé au déchainement estival sur ses plages. M. Valls et beaucoup de ses compatriotes ne peuvent même envisager qu’une femme pense par elle-même et fasse, librement, le choix d’être pudique ou pas, le choix de sa coiffure, de sa tenue de bain ou alors le choix de faire une heureuse et brillante carrière à Londres, ou encore, bien plus tristement, celui de céder aux sirènes syriennes de Daech.
Ici, l’hôte de Matignon devrait y réfléchir à deux fois. Ce n’est pas avec le genre de propos qu’il a tenu tout l’été que sera atténué le sentiment d’exclusion que mettent au jour les témoignages publiés par le New York Times. Or, ce sentiment d’exclusion est le terrain même du ressentiment, sur lequel les sinistres recruteurs de Daech viennent chasser.
Comme l’ont chanté tant François Hardy que Natacha Atlas : « On est bien peu de choses. Et mon amie la rose me l’a dit ce matin. »
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