Les œuvres photographiques de Walker Evans permettent de mieux comprendre les caractéristiques fondamentales de la culture vernaculaire des États-Unis : une culture populaire, domestique et utilitaire. Walker Evans se passionne pour certains sujets typiquement américains comme les baraques des bords de routes, les devantures de magasins, ou les visages de passants anonymes.
Les lieux que le photographe arpente sont des espaces de circulation sans qualité particulière : les grandes routes américaines, les artères principales des petites agglomérations, les trottoirs des villes avec leurs enseignes et leurs vitrines caractéristiques. Ceux qui habitent ses photographies ne sont jamais des personnes connues, mais des anonymes, sans nom et sans-grade. Les objets qui le fascinent ressortent de l’utilitaire le plus ordinaire, ils ont été fabriqués en série et sont destines à la consommation courante.
Evans se passionne pour tous ces infimes détails du quotidien, cette culture invisible et non répertoriée, qui, à ses yeux, révèle une forme « d’américanité ». Très marqué par la plongée, la contre-plongée, le gros plan, le décadrage, la surimpression ou les jeux graphiques, son style, durant ces premières années de pratique, correspond parfaitement à celui de la Nouvelle Vision. Son père travaillant dans la publicité, Walker Evans a très tôt développé une relation particulière avec cette culture.
Lorsqu’il photographie, il ne manque jamais une occasion d’introduire dans son cadre une publicité, une enseigne, ou une affiche de cinéma. Plusieurs de ses proches ont raconté qu’après avoir photographié une plaque publicitaire in situ, il n’était pas rare qu’Evans la dérobe. En digne fils d’un père publicitaire, il aime les images géantes sur les murs des villes, les couleurs criardes et les slogans populaires. Qu’elles soient fraîchement collées, abîmées par la pluie ou déchirées, il les photographie en contexte, parfois frontalement et en gros plan, comme s’il s’agissait simplement d’en conserver la reproduction.
Autre thème de prédilection de Walker Evans : les baraques des bords de routes. L’Amérique s’est construite autour du tracé de ses routes. Ceux qui ont décidé de s’arrêter et de s’installer au bord de la chaussée déploient des trésors d’ingéniosité pour attirer l’attention des automobilistes qui continuent d’avancer en regardant droit devant eux.
Le garagiste de Géorgie, désireux de faire comprendre à sa potentielle clientèle qu’il vend des pièces détachées accroche ainsi celles-ci sur sa façade en un arrangement hétéroclite, mais néanmoins harmonieux. Snacks, stations-service, marchands de fruits et de légumes… pour Walker Evans, le bas-côté est un inépuisable réservoir de trouvailles visuelles, une sorte de cabinet de curiosités, un musée en plein air. Il s’y manifeste quelque chose qui explique en quoi l’Amérique est américaine.
Walker Evans se passionne également pour les devantures et vitrines de magasins. Dans toute sa production, c’est incontestablement le sujet le plus représenté. Ce qui séduit le photographe c’est la typographie d’une enseigne, l’allure d’un mannequin, ou encore la façon dont le commerçant affiche ses prix. Il aime aussi la manière dont le boutiquier peint sa devanture pour la rendre plus attrayante, ou encore le soin qu’il prend à organiser sa marchandise par forme ou par couleur.
S’il y a une chose à retenir des clichés de Walker Evans, c’est bien sa passion pour la culture et la photographie vernaculaire américaine, que ce soit une devanture de magasin, un présentoir à cartes postales, des portraits de familles accrochés au mur, et quelques photographes de rue, ambulants ou saisonniers. Ce photographe de génie produit des œuvres qui sont autant de professions de foi exprimant sa conception de la photographie et des images.
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