Depuis son indépendance, le Maroc a connu une dizaine d’élections législatives. Certaines ont été plus marquantes que d’autres, car les enjeux y étaient plus importants que pour d’autres. Sous le règne du roi Mohammed VI, nous aurons vécu trois scrutins parlementaires, et nous sommes à la veille du quatrième.
En 2002, la portée morale de l’élection était élevée car il s’agissait de la première organisée sous Mohammed VI. En 2007, nous étions à la période que nous définirions comme creuse en matière politique et de liberté de la presse. En 2011, la charge historique était extrêmement importante en cela que c’était la première élection de la nouvelle constitution.
Cette année, le scrutin législatif connaît plusieurs nouveautés qui font que cette élection ne ressemblera pas à toutes celles qui l’ont précédée.
1ère nouveauté, les partis.
Beaucoup de choses ont évolué ces 5 dernières années, au point que nous le voyons clairement dans l’offre politique disponible. En plus des partis traditionnels que sont l’Istiqlal, l’USFP, le PPS, le RNI et, dans une moindre mesure, d’autres formations comme l’UC et le MP, les trois formations qui font le plus couler d’encre et de salive sont des nouveaux venus.
Si le PJD vient des années 90 et plus haut encore dans le temps, du temps de la Chabiba et de la Jamaâ islamiya, il n’a adopté la forme et le nom que nous lui connaissons actuellement qu’au milieu des années 2000. Le PAM, lui, a vu le jour en 2008 seulement, issu du Mouvement de tous les Démocrates, lui-même issu de la volonté de lutte contre le PJD. Quant à la Fédération de la Gauche démocratique, elle a pris forme en 2007 et elle est une alliance entre trois partis de gauche, dont le Parti socialiste unifié semble être le chef de file.
Ainsi, les trois formations les plus visibles et les plus audibles aujourd’hui n’ont pas plus que 10 à 12 ans d’âge.
Deuxième nouveauté. Les dirigeants.
Les personnels politiques sont également des presque nouveaux venus sur la scène politique nationale. Ils militent certes depuis des années, voire des décennies, mais ils n’étaient pas connus du grand public. Il s’agit d’Abdelilah Benkirane, Ilyas El Omari et Nabila Mounib.
Jusqu’en 2008, seuls les initiés et intéressés par le fait politique connaissaient Abdelilah Benkirane, pour l’avoir suivi depuis les temps lointains où il n’était qu’un barbu parmi d’autres, un islamiste tonitruant au milieu du tumulte ambiant dans cette mouvance.
Ilyas El Omari, pour sa part, a été actif depuis l’avènement des années 2000 seulement. Il intègre l’Instance Equité et Réconciliation, puis la HACA, Haute Autorité pour la Communication Audiovisuelle. Il n’a commencé à faire parler de lui dans les médias, les cafés et les chaumières qu’en 2011, en devenant Secrétaire Général Adjoint du PAM.
Quant à Nabila Mounib, elle milite depuis 30 ans, mais n’est véritablement connue que depuis 30 mois. Incontestablement femme de gauche, femme de conviction et femme politique, elle peine à se faire entendre en dehors du vacarme facebookien.
Ces trois-là, Benkirane l’islamiste populiste, El Omari le moderniste soliste et Mounib la féministe socialiste incarnent l’offre politique répondant à la demande sociétale, parcourue par les courants conservateurs, progressistes et contestataires.
Troisième nouveauté. L’incertitude
Il s’agit vraiment de la première élection au Maroc où le suspense est total. Personne ne parle plus de trucage du scrutin à travers un tripatouillage des urnes.
Le Maroc a changé, et ces pratiques d’un autre âge n’ont plus cours, sauf de pâles et atones accusations lancées ici et là, sur des prédicateurs usant de foi et des agents d’autorité abusant parfois.
Cette année, et en dépit des attaques et insultes proférées par certains, ce qui est somme tout aussi normal qu’universel, le résultat ne sera connu qu’au cours de la soirée électorale et pas avant, comme avant. Malgré les lamentations des uns, les imprécations des autres et les stridulations indignées de tous.
Quatrième nouveauté. L’électorat
La population marocaine, et donc l’électorat, est de plus en urbain, de moins en moins rural. Et on sait que la population urbaine est plus au fait des choses, en dépit de sa désaffection annoncée et de son indifférence dénoncée.
Autre fait important. Il s’agit de la première fois que le corps électoral est connu précision. Nous serons donc très exactement 15.702.592 électeurs à devoir aller aux urnes ce vendredi 7 octobre. Nous serons donc nombreux et majoritairement citadins.
Alors, au vu de ces quatre nouveautés, soyons, nous aussi, citoyens et citoyennes, initiateurs d’une cinquième nouveauté : faire exploser le taux de participation. Nous étions 52% à aller voter en 2002 (première élection sous Mohammed VI), puis seulement 37% en 2007, 54% en 2009, 45,4% en 2011 (malgré le printemps arabe), 53,6% en 2015. Et en 2016 ? Réponse le soir du 7 octobre, vendredi prochain.
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