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L’énergie de Gaza


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On lit, dans le flot des dépêches AFP, que Tel-Aviv «a décidé de réduire de trois quarts d’heure l’approvisionnement quotidien en [électricité] de la bande de Gaza». Les deux millions de Gazaouis ne recevaient déjà, au mieux, que trois ou quatre heures de courant par jour. Le porte-parole du gouvernement de l’État hébreu se justifie en faisant remarquer que c’est l’Autorité palestinienne qui a décidé, au printemps, de réduire les versements qu’elle effectue aux Israéliens pour Gaza. Il trouverait «illogique» de payer à sa place.

Bizarrement, il ne mentionne pas que Tsahal a délibérément bombardé la seule centrale électrique de Gaza, le 29 juillet 2014. Ça lui avait peut-être paru, en revanche, très logique, comme à cette ex-Miss Israël et soldate, désormais célèbre pour son rôle de Wonder Woman sur grand écran et son soutien zélote aux bombardements des civils de Gaza, ce même été. On a vu pacifistes plus pacifiques. Mais passons. Comme toujours.

Dans la London Review of Books, Sara Roy, chercheuse à Harvard, nous raconte sa récente visite à Gaza, précisément. Elle rapporte que la première source de tension entre le gouvernement de Gaza et l’Autorité de Mahmoud Abbas est le refus, par celui-ci, de régler les salaires des fonctionnaires du Hamas. On le voit, l’engagement d’Abou Mazen dans la « lutte antiterroriste » chère à Washington n’est pas qu’électrique. Roy témoigne de scènes de mendicité d’un nombre et d’une intensité nouvelles pour elles. Elle évoque par ailleurs une pratique de la prostitution qui s’étend désormais à presque tous les milieux sociaux. La survie passe avant l’honneur, même pour les familles les plus conservatrices.

Les trois quarts des Gazaouis, enfermés dans ce ghetto, ont moins de trente ans. La seule façon, pour eux, d’espérer gagner un peu d’argent n’est donc plus de militer pour le Hamas. Mais pour nourrir leur parentèle, ils commencent à se tourner vers des groupes encore moins ragoûtants, proches ou affiliés à Daech. Même les brigades Al Qassem, auxquelles le Hamas réserve la priorité des paiements qu’il peut encore faire, voient leurs rangs se vider doucement.

Le porte-parole de l’équipe de Netanyahou dit espérer que «les Palestiniens commencent à comprendre la catastrophe que représente pour eux le Hamas.» Sara Roy a une nouvelle pour lui : ils l’ont compris depuis longtemps. Mais la faim et la crise humanitaire organisées par l’embargo préparent, à la région comme au monde, des lendemains qui s’annoncent très, très sombres. Et ce n’est pas le petit nombre de « riches » — estimés autour de 50 000, la plupart enrichis par les tunnels maintenant bouchés par l’Égypte — qui pourront limiter les dégâts en relançant une économie asphyxiée sous cette chape de plomb durci.

«Si les Israéliens étaient intelligents», expliquait un Gazaoui à la chercheuse, «ils ouvriraient deux ou trois zones industrielles, organiseraient un test de sécurité et emploieraient les plus qualifiés d’entre nous. Al Qassem s’évaporerait très rapidement, et tout le monde serait plus en sûreté». Un homme d’affaires rajoutait : «Imaginez un label “Made in Gaza”. Dans la région, ça se vendrait comme des petits pains». Cela supposerait quand même, aussi, de l’électricité.

Pendant ce temps, sur le piano mécanique du Walled Off Hotel, ouvert par Banksy à Bethléem, à côté du Mur, on peut écouter une composition spéciale pour le lieu par Trent Reznor et Atticus Ross, Green Lines.


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