Et si, depuis la Nuit des temps, les artistes étaient contemporains les uns des autres ? Comme s’étant désignés eux-mêmes pour être les traducteurs du Monde. Et de la Vie. De ce grand Tout qui nous entoure, nous échappe, nous inquiète, provoque fascination, répulsion, ravissement ou colère. Confusion ou illumination.
Les artistes, depuis qu’ils ont compris ce qui sépare l’Homme du Monde, les artistes : professionnels du Mystère… Contemporains, alors, tous les producteurs de sens et de signes que sont ceux qui, sur les parois d’une grotte, sur de gigantesques toiles, ou des performances labyrinthiques, n’auront fait que se transmettre la même, l’unique, l’irrépressible nécessité : celle de dire le Monde.
Des diseurs du Monde. Des enfants trop adultes, des fous trop sages… Mais tous, résistants. Comme un front du refus contre ce qui se donne, soit trop vite, soit voudrait ne jamais être vraiment vu, démasqué. Voilà peut-être, en vérité, leur carte de visite. Et c’est là bien ce qui pourrait fonder, – trop vite, s’entend !, oui, c’est peut-être sur ce point qu’il devient possible de formuler l’idée que les œuvres, du fond des âges, et jusqu’à nos jours, n’auront cessé de se parler entre elles. Et qu’elles continuent de le faire, sous nos yeux.
Contemporaines, toutes, les unes des autres. Il suffirait que de nouveaux historiens de l’Art prennent la décision, à la folle, et facile, d’aller chercher ce qui les lie tous, les artistes. Car tous, des plus classiques, des plus respectueux des règles de leur temps, jusqu’à ceux qui prirent sur eux de déchirer les codes, tous ont caché, à l’intérieur de leur travail, là où les regards paresseux, ou trop pressés, ne veulent ou feignent d’aller, le détail infime qui est la manifestation véritable, aussi minuscule soit-elle, du refus.
À ce titre, et c’est heureux, nos artistes, peintres, plasticiens, photographes, tous les talents, les noms prestigieux dont il est question ici, sont autant les héritiers d’un universel qui commence si loin, que les continuateurs de ce que cet universel porte en lui de germinations futures. Les habitants, sédentaires et nomades, d’un pays qui ne veut pas de frontières…
De sorte qu’il faut oser, peut-être, faire un usage autre du terme « Contemporain »… En faire l’usage qui dit que, de tout temps, créer, c’est être contemporain de la vie, du monde. En témoigner, le dire, avec obsession, inquiétude, impertinence, humour, gravité, amour. Et le faire, avec la force de s’inventer soi moi-même. C’est un beau métier, la Liberté.
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