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Occident

L’Occident postmoderne ou la fabrique des zombies


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Parmi les phénomènes les plus marquants en Occident ces dernières années, de cet Occident fatigué, malade et décadent,  figurent ces cas multiples, et de plus en plus nombreux, trop nombreux, de « radicalisation » spontanée ou présentée comme telle, et de massacres aveugles.

Attentats d’Oslo, Toulouse, Bataclan, Nice, Québec, la liste est longue.

Systématiquement réduit au concept bancale de « haine », d’ « Islamo-fascisme » ou de « pulsion de mort inexplicable », le débat est impossible, voire non souhaitable, car il faut être « Charlie ». Il va sans dire qu’un mensonge qui nous rassure vaut mieux qu’une vérité qui dérange. Emmanuel Todd en a dernièrement fait les frais avec son dernier ouvrage « Qui est Charlie ? ».

Cependant, dans les milieux académiques et dans les librairies, il n’est pas rare de voir un article ou un nouvel essai traitant de la « crise de la modernité » ou de la « décadence de l’Occident ». Ça va du « Cosmos » de Michel Onfray qui redécouvre la question sociale après 25 ans d’hédonisme libertaire à Eric Zemmour, qui ne brille qu’avec des demi-vérités,  jouant pleinement le jeu de cette société du spectacle.

Que le Monde Occidentale soit en crise, cela est indéniable. Mais il ne s’agit aucunement d’une crise de la « modernité », sous-entendu que la modernité serait un paradigme d’épanouissement généralisé désormais en panne, mais  de penser la « modernité » elle-même comme étant une crise en soit, dans une perspective guénonienne.

La crise est cependant par certains aspects salutaires. Car « Crise » du grec « Krisis » signifie littéralement « discernement » ou « jugement », ce même discernement qui nous est désormais interdit.

La « modernité », si l’on veut la définir de manière apophatique ou négative, c’est la déconstruction des fondements de la société traditionnelle, de la transcendance et du sacré. Elle remplace l’ « icône » en tant que support de médiation transcendantale, par l’ « idole » qui ne renvoie au final qu’à elle-même, et « les frissons sacrés et les pieuses ferveurs, par l’eau glaciale du calcul égoïste » comme le décrit Marx. Mais la modernité c’est aussi l’émergence et l’hégémonie paradigmatique du « Sujet» en tant qu’individu pensant et autoréférentiel, et de la « volonté » en tant que puissance ou en vue de la puissance. C’est la victoire du quantitatif sur le qualitatif, de la raison sur le mythe, du profane sur le sacré.

Après avoir déconstruit et dissout la tradition qui ne survit que dans des poches marginales en Occident, sous la forme de résidus archaïques, voilà que la modernité se retourne contre elle-même, se déconstruit, et implose de l’intérieur. Cette phase nouvelle, cette nouvelle ère, c’est la postmodernité, ou en termes plus nietzschéen, l’avènement du nihilisme.

Il s’agit désormais de se libérer du « moi », du « je » cartésien qui pense et qui par conséquent existe.

L’« individu » du latin « individuum », c’est-à-dire « ce qui est indivisible », et qui est l’acmé et l’apothéose de la modernité, devient « dividu » et par conséquent un « multividu » fragmentable à souhait.

C’est le monde du virtuel et des réseaux, qui fait qu’en l’absence de morale structurante et de raison supérieure et transcendantale d’existence, un  individu « lambda » peut désormais être simultanément un « rebelle » ou un « djihadiste » le soir sur un faux profil, un salarié du tertiaire soumis et dévirilisé le jour, un dragueur invétéré sur « un site de rencontres » pendant les pauses, et un fumeur de joints le soir.

C’est l’homme rhizomique !

À cet effet, ce paradigme postmoderne crée « des simulacres » à profusion. Des simulacres de religion, de langue, d’art, d’identité individuelle et plurielle. Dans ce simulacre de réalité, dans cette post-réalité, la schizophrénie est voulue, voir salutaire. Les gens sont dans le « réel » sans y être réellement, dépressifs, anxieux, le regard vide, on les voit déambuler tôt le matin dans les rues, dans les stations de métro et dans les bus, hypnotisés qu’ils sont par des Smartphones et des tablettes. C’est l’émergence du « zombie » postmoderne, qui dévore sans appétit tout ce qui l’entoure, tout en se décomposant.

La banalisation du mal, du meurtre et de la perversion à coup de films, séries TV, clips et jeux vidéo ultra-violents, l’effondrement moral et spirituel, la frustration sexuelle dans une société tentatrice et  hyper-sexualisée, expression d’une pornocratie qui ne dit pas son nom, et la misère sociale face à un avenir de plus en plus incertain, font, que de jeunes gens, souffrent, en silence, dans leur coin, ou dans celui des autres. Ça peut être des « Geek » en apparence inoffensifs et dont tout le monde dira après coup, qu’ils étaient gentils et qu’ils n’auraient pas fait de mal à une mouche. Mais aussi des délinquants désorientés,  déstructurés moralement et culturellement, et ghettoïsés.

Jusqu’au jour où ce qui doit arriver arrive. L’acte irrémédiable, explosif, aveugle et sanguinaire.

C’est par exemple le jeune « geek » québécois de 27 ans, vivant chez ses parents, qui trucident 6 personnes innocentes dans une mosquée.

C’est le jeune « Merah », qui passe en quelques semaines de la délinquance et du Rap ultra-violent à un simulacre de djihadisme et au massacre aveugle. C’est également l’adolescente australienne ou britannique, qui fugue pour rejoindre le « djihad » en Syrie.

Car concrètement, que propose la postmodernité comme archétypes à ces jeunes en quête de sens, d’identité, mais aussi de virilité au sens traditionnel du terme ? « Conchita » ? Un joueur de foot bi-neuronal ? Un animateur TV décérébré ? Ou Lady Gaga ? Rien d’enthousiasment vous en conviendrez.

Et dans ce monde virtuel où les appartenances déterritorialisées sont multiples et éphémères, les phantasmes de la « Oumma », de la « Croisade » ou de la « Nation pure et glorieuse » constituent des simulacres convaincants et rêveurs. Suffisamment convaincants pour leurs sacrifier leurs vies, mais aussi celles des autres.

Ce vide existentiel engendre, comme nous le constatons, des « monstres », malgré eux, malgré nous.

C’est ce que nous apprend Gramsci qui dit, comme un aveu d’impuissance :

« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaitre, et dans ce clair-obscur surgissent des monstres ».


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