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Union Européenne

L’Union Européenne peut-elle survivre sans démocratisation?


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L’année 2016 va être déterminante pour l’Union Européenne. D’abord, parce que 2015 a démontré à l’envie toutes les fragilités du système : aucune solidarité sur la question migratoire, sociale ou économique, un éloignement de plus en plus grand des citoyens de la chose politique, l’échec patent de sa diplomatie ferme ou non sur la question ukrainienne ou turque, la remise en cause de Schenguen, bref. Une catastrophe, qui signe sans nul doute le coup d’arrêt de l’UE telle qu’on la connaît. Ensuite, parce que 2016 va enfin permettre la résolution d’un chantage qui freine l’Europe depuis 1973 : le Brexit.

Oui, parce que vous le savez, après avoir passé l’intégralité de son histoire européenne à freiner des quatre fers, la Grande-Bretagne doit organiser cette année le référendum qui doit déterminer enfin si elle reste ou non dans l’Union. C’était une promesse de campagne de Cameron, qui lui a permis de se faire réélire, d’ailleurs, ergo, cette fois-ci, faut y aller. Ça ne l’arrange pas des masses d’ailleurs, parce que la situation en Grande-Bretagne est difficile et qu’une sortie de l’Union serait catastrophique, tant au niveau économique qu’en termes d’union nationale, parce que l’Ecosse comme l’Irlande sont de farouches pro-européens, pro-Euros et ils ont comme une tendance historique à vouloir partitionner, déjà, mais bref, ça n’est pas vraiment le sujet. Pour l’Europe, la question de la sortie ou non de la Grande-Bretagne est presque subsidiaire, mais la tenue du référendum et donc la fin de l’emprise de la Grande-Bretagne sur une partie de l’avenir de l’Europe ne l’est pas du tout, elle. Et à Bruxelles, on s’est préparé à toutes les hypothèses en écartant doucement les fonctionnaires européens britanniques et en isolant progressivement le Royaume-Uni des décisions à prendre. Par exemple, jusqu’à la dernière législature du Parlement Européen, c’était un britannique qui, hors de toute logique dirigeait le comité ECON qui s’occupe de toutes les affaires économiques, donc également de l’Euro. Oui, voyez à quel point c’est problématique. C’est cette présence britannique à l’ECON qui explique que le nouveau règlement bancaire qui devait au départ s’appliquer à toutes les banques européennes, n’en concerne au final plus que trois, parce que la Grande-Bretagne a, encore une fois, freiné un processus de régulation qui n’allait pas avec la City, mais bref. Désormais, c’est un Italien qui dirige l’ECON, ce qui renforce l’influence inusitée de ce petit pays qui se partage de plus en plus de postes clés, entre Draghi et Gualtieri, d’ailleurs. Mais là encore, pas le sujet : la Grande-Bretagne peut sortir de l’Europe, désormais, ça ne fait plus tellement peur à grand monde, quand bien même on est prêt à quelques concessions, c’est à la marge et plus sur des sujets essentiels. Et à force de jouer de son statut exeptionnel, le Royaume-Uni s’est isolé de ses partenaires.

Du coup, Cameron a donné le 10 novembre dernier une liste de revendications qui seraient les conditions pour qu’il soutienne le projet de rester dans l’Union Européenne, dans une lettre adressée à Donald Tusk, le président du conseil européen. Elles sont à ne pas piquer des hannetons, vous allez voir si vous n’avez pas déjà suivi la chose. Pour commencer, on revient bien sûr insister sur la question de la souveraineté des états, mais cela n’a rien de surprenant, bien sûr. On veut également limiter la libre circulation et le droit à l’immigration, y compris pour les ressortissants européens, qui pourraient se voir déchoir de leurs droits sociaux pendant un minimum de quatre ans. Franchement, je ne crois pas que ce soit ce qui dérange le plus les continentaux dans les conditions britanniques. Mais quand on aborde la question économique, ça se complique car la Grande-Bretagne veut non seulement qu’on adopte son modèle libéral de dérégulation des marchés économiques, financiers et bancaires, ce qu’elle a réussi à imposer pas trop mal jusque là, mais en prime, elle voudrait que la monnaie unique soit remise en cause, au moins telle qu’elle est voulue par le traité de Lisbonne. Et, tenez-vous bien, car c’est là la farce la plus drôle, elle voudrait que l’Eurozone soit subordonnée au marché unique et que l’Euroland soit suspendu à un processus de codécision des états non membres de la zone Euro dans l’ensemble de son fonctionnement. En gros, c’est la mort par immobilisme, quoi. Le 02 février dernier, le Conseil Européen a répondu non, évidemment. Bon, en y mettant assez de formes pour que Cameron, à un moment ou à un autre, décide de faire campagne sur l’idée qu’il a gagné le bras de fer, mais en vrai, non, quoi.

Mais le problème reste entier, en Europe : rien ne peut se faire sans ce référendum. Même la réforme fiscale est officiellement suspendue au résultat de ce référendum, donc tout le monde espère bien qu’il se déroulera en juin prochain. Dans le pire des cas, il doit avoir lieu avant fin décembre. Et, quel qu’en soit le résultat, moi je parie pour un maintien, mais peu importe, il va enfin permettre la suite pour l’Europe. Car si 2015 a démontré quelque chose, c’est bien qu’il faut changer la donne. Or que voit-on ? Plusieurs tentatives allant dans ce sens. D’abord, des réflexions assez fascinantes d’intellectuels et de politiques voulant réformer l’Europe pour permettre une démocratisation de ses instances, trop lointaines pour les citoyens qui sont, de facto, dépossédés du pouvoir politique. Et, vous ne serez peut-être pas surpris de l’apprendre, le dernier mouvement en date du genre est le DIEM 25 pour Democratie in Europe Movement 2025 et a été lancé la semaine dernière par nul autre que l’ex ministre des finances grec, Yánis Varoufákis. L’idée est de fédérer les consciences démocratiques de l’Europe pour refonder l’Union sur ses principes premiers de démocratie et d’humanisme plutôt que sur le seul paradigme économique et pour cela d’organiser sous deux ans une constituante de manière à aboutir à terme à une vraie europe fédérale. Bon, vous me direz, son projet est fou ou extrémiste. À dire vrai, pas tant que cela et je vous invite à le regarder de plus près, il le détaille dans un document pas bien long d’une dizaine de pages plutôt sympathique, qui propose aussi bien la transparence immédiate des débats européens avec diffusion en direct des réunions du Conseil de l’Union européenne, du Conseil ECOFIN et de l’Eurogroupe par exemple que la reprise en main de l’économie européenne sur les bases des structures existantes mais avec un esprit solidaire, quoi.

Oui, on s’en serait douté. Mais même si vous êtes du genre à penser Varufakis irresponsable et extrémiste, il n’en reste pas moins qu’il n’est pas le seul à arriver au constat qu’il faut de la démocratisation et une Europe plus restreinte. Tout le monde ou presque est d’accord sur l’idée que l’Eurogroupe formerait une bonne base pour une Europe limitée mais vraiment souveraine et capable d’une politique unifiée. Et de plus en plus, on parle d’un parlement Euroland, dont les modalités, par contre, sont moyennement transparentes. Et si beaucoup forcent au maximum le pas pour qu’on en arrive à un Euroland de fait, entérinant par là-même l’idée d’une Europe à plusieurs vitesses, le cercle extérieur pouvant ou non comprendre la Grande-Bretagne mais aussi d’autres pays en partenariat privilégié avec l’Europe, comme le Maroc, par exemple, d’autres posent la même question que Varoufakis : oui à l’Euroland fédéral, mais démocratique. Alors comment ? Là est la question. En tout cas, dès 2014, le Ministre allemand des Finances, Wolfgang Schaüble, demandait la création d’un Parlement de la zone euro, comme quoi grecs et allemands sont parfois d’accords…


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