La romancière franco-marocaine Leïla Slimani, nouveau prix Goncourt, a appelé, il y a quelques jours, les Marocains à se rebeller contre la répression homosexuelle.
Une « législation moyenâgeuse » estime-t-elle. En réalité, une telle phrase fait offense au Moyen Age. L’amour courtois que manifestaient les chevaliers envers les gentes dames n’était parfois qu’une façade tant les relations amoureuses entre guerriers sans peurs et sans reproches furent loin d’être rares. Nul n’ignore non plus l’homophilie active des Grecs et des Romains de l’antiquité. Pour les Grecs, c’est d’ailleurs toujours d’actualité parait-il.
Bref, la législation marocaine réprimant l’homosexualité ne trouve pas son inspiration ni ses origines au Moyen Age. Non, le texte pénal marocain réprimant l’homosexualité est beaucoup plus proche de nous, que ce soit en termes de proximité géographique que de proximité temporelle ou culturelle. Ce texte ne vient pas non plus de Mossoul ou de Raqqa. Non, comme le Goncourt de Leïla Slimani, il vient de Paris et du Gouvernement de la Libération. Ainsi l’Alinéa 3 de l’Article 331 du Code pénal proclamait alors « que sera puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 60 FF à 15 000 FF quiconque aura commis un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe ».
Jugez-en par vous-même. L’Article 489 du Code pénal marocain de 1962, toujours en vigueur, dispose quant à lui « qu’est puni de l’emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 200 à 1 000 dirhams, à moins que le fait ne constitue une infraction plus grave, quiconque commet un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe ». En termes de copier-coller, difficile de faire mieux. Nos parlementaires n’ont, toutefois, pas perdu tous leurs repères puisqu’ils ont eu la présence d’esprit de libeller l’amende en monnaie locale ce dont il convient de les féliciter chaleureusement. La colonisation a, parait-il, eu des effets positifs, ce doit être dans l’esprit de certains d’entre eux.
À Al Hoceima, à Taourirt, à Marrakech, à Beni Mellal, à Azrou, partout l’on condamne des adultes et des adolescents pour ce qui, en réalité, ne relève finalement que de l’intimité et de la vie privée de chacun et dont la protection est, en théorie, assurée par l’Article 24 de la Constitution de 2011.
Les lois sur l’homosexualité inspirées par l’ancien colonisateur, un système judiciaire qui n’assure pas toujours au prévenu un procès équitable et Les préjugés sociaux liés à l’homosexualité constituent un cocktail détonant et participent à ancrer le pays et la région dans des combats d’arrière-garde que la plupart des pays soucieux de bien-être et de développement ont abandonné. Quel est d’ailleurs le but poursuivi par cette législation archaïque et les peines d’emprisonnement prononcées ? Éradiquer l’homosexualité ? Nous savons tous que l’unique moyen d’éradiquer l’homosexualité, c’est d’éradiquer l’humanité. Faire respecter la volonté de Dieu ? Je crois qu’il n’en demande pas tant et qu’il convient de le laisser seul juge des actions de ses créatures. Non bis in Idem s’applique aussi à la justice divine.
Soigner ce que l’OMS a longtemps considéré comme une maladie mentale ? Je crois pouvoir dire, sans grand risque de me tromper, que la prison ne soigne pas grand-chose. Sinon les concours aux postes de gardien de prison seraient assortis d’un numerus clausus et les gardiens seraient armés d’un stéthoscope et non d’un gourdin. Il n’y a donc objectivement aucune raison valable de maintenir aujourd’hui cet Article 489 que nous avons emprunté à la République des Lumières. Ce texte est inutile. Sans aucun effet si ce n’est stigmatiser des personnes qui n’ont rien demandé. De même qu’en tuant les criminels, on n’élimine pas le crime, de même en emprisonnant les homosexuels, on n’élimine pas l’homosexualité. L’abolition de la peine de mort et la dépénalisation de faits relevant de la vie privée pourrait être la plus belle réponse d’une monarchie séculaire à des républiques nées hier et pourtant donneuses de leçons. La majorité est contre une telle dépénalisation me dites-vous ? Mais quelle majorité ? Celle qui croyait que la terre était plate ? Celle qui pense que l’homme n’a pas marché sur la lune ? Celle qui pense que Lam3allem a été victime d’un complot de nos taquins frères algériens ? Celle qui pense que la langue amazighe et la laïcité sont incompatibles avec l’Islam ? Laquelle exactement ? La société marocaine se doit de réfléchir à la différence et à l’altérité. Elle doit comprendre que la différence crée la diversité et que de la diversité naît la richesse. Et si elle ne comprend pas la différence et l’altérité alors achetons des tarbouches rouges et prenons le temps de les lui expliquer. Ce ne sera pas du temps perdu.
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