La Russie est de retour. Vladimir Poutine l’avait promis, il l’a fait. Beaucoup de commentateurs nous la présentent comme imprévisible. Pourtant, force est de reconnaître que chacune des colères exprimées du président-Premier-ministre (selon les années) a eu sa suite logique. Les dirigeants occidentaux n’ont pas écouté ses menaces lors de la partition de la Serbie et du Kosovo, il applique maintenant la même recette en Géorgie et en Ukraine, créant ou entretenant des régions séparatistes, gardant sous la main des conflits de basse intensité à toutes fins utiles, pour la suite (qui ne devrait pas tarder à venir).
Le triumvirat franco-anglo-américain avait pensé très judicieux d’utiliser le flou autour d’une résolution onusienne — signée de bonne foi par la Russie et la Chine en vue de protéger les civils de Benghazi — pour transformer une no fly zone en chasse à l’homme en direct-live et mondovision, passant outre, encore une fois, le furieux avertissement venu des bords de la Moskova. Paris, Londres et Washington viennent de ressentir à leur tour ce qu’est l’impuissance — légale — devant les atroces, mais néanmoins souverains, bombardements qui ont transformé Alep en une nouvelle Grozny, laissant Daech intacte.
Moscou avait détesté, mais alors, dé-tes-té, les révolutions de velours et de c qui ont démocratisé l’Europe orientale. Washington avait beau jeu de répondre que les fondations et ONG du genre de celles de George Soros n’ont rien à voir avec l’État fédéral américain et sa diplomatie. Voici aujourd’hui les rives du Potomac éberluées de s’apercevoir que le candidat des Tea parties vient d’être élu avec l’aide d’organisations — de hackers, bancaires ou pétrolières — qui n’ont aucun, mais alors aucun lien avec le Kremlin. Puisque Poutine nous le dit…
N’étaient les corps démembrés d’Alep, et les sérieuses inquiétudes que provoque le magnat-président plaqué or, on pourrait sourire. Voilà l’hyperpuissance punie par là où elle avait péché. Mais voici, surtout, l’ordre bipolaire de retour. Ce qui soulève quelques questions. D’abord, il convient de raison garder : la Russie actuelle a un PIB par habitant inférieur à celui de l’Espagne (25 400 $ contre 34 800 $). Le géant a encore des pieds d’argile. Bien que puissance nucléaire, ses prochains affrontements devraient continuer de se faire par « petits pays » interposés — et déchirés. Un prochain chapitre sera peut-être… la Libye, où Saif al-Islam Kadhafi, fils de, semble attendre son heure et pourrait offrir à l’ex-officier du KGB l’occasion de pousser un peu plus loin son humour grinçant.
Ensuite, la Nouvelle Moscou, et pour cause, ne s’appuie plus sur un réseau de partis communistes ou sympathisants du marxisme. Non, désormais, les amis de la Russie, c’est l’internationale nationaliste. Qu’il s’agisse du national-libertarisme de Trump, donc, ou des national-communismes asiatique. Les nationalismes du Baath syrien et de la république iranienne ne sont pas en reste. En Europe, logiquement, les liens se tissent avec un national un peu plus socialiste, comme le FPÖ autrichien — dont l’ancien dirigeant, Jorg Haider, aimait faire la fête avec le jeune Saif al-Islam Kadhafi, précisément. Au-delà d’une éventuelle cohérence idéologique, on est en droit de se demander s’il ne s’agit pas aussi, voire surtout, de promouvoir des mouvements capables de durablement diviser et affaiblir les pays de l’Otan, afin de pouvoir mieux reconquérir une zone « d’influence » perdue lors la chute du Mur de Berlin, à laquelle l’alors jeune fonctionnaire du Renseignement soviétique avait assisté aux premières loges.
Vladimir Poutine, depuis, a réussi relancer l’économie de son pays et à y mettre un peu d’ordre. C’est clairement à son crédit. Mais ses méthodes en Tchétchénie nous l’ont montréla perspective, désormais plausible, d’un massacre des Kurdes syriens sous l’action conjointe de Moscou, Ankara, Téhéran et du Baath local — et qui laisserait encore intouchée une Daech bien trop utile par le prétexte qu’elle offre —, est de plus en plus effrayante. Une Syrie coupée en deux ou trois n’est guère plus rassurante. Tandis qu’une Europe s’enfonçant dans la crise, avec, par exemple, la ligue du Nord aux commandes de l’Italie, le FN à celles de la France et quelque néo-phalangistes en Espagne, impacterait, c’est évident, la vie du Maghreb — et du Maroc — d’une manière pour le moins peu engageante.
En 1968, les cheveux couverts de fleurs lors d’un séjour en Inde, Paul McCartney s’était amusé à parodier Chuck Berry et les Beach Boys, au grand dam des conservateurs américains, en composant une forme d’hommage au public soviétique des Beatles, Back in the USSR.
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