Le plus grave avec ces 5 mois de blocage n’est pas le blocage en lui-même, mais l’absence totale de visibilité pour un déblocage futur. En effet, les deux protagonistes de ce blocage, en l’occurrence Abdelilah Benkiran et Aziz Akhannouch, campent sur leurs positions, avec la désormais petite USFP en ligne de mire de chacun. Pour le président du RNI, « l’important, c’est la rose »… mais pour le chef du gouvernement qui tient Driss Lachgar pour peu de chose, le gouvernement peut très bien fleurir sans cette rose.
Alors blocage, ou impasse ou perte de temps ou lutte d’egos, le résultat est le même. Le Maroc n’a pas de gouvernement, et son parlement est à l’arrêt. Les paiements sont aussi bloqués que le gouvernement, et les investisseurs ont aussi peu de visibilité pour leurs affaires que les Marocains pour leur gouvernement.
Que faire alors ? De plus en plus de voix s’élèvent, préconisant un gouvernement d’union nationale. Mais, dira-t-on, l’union nationale n’est requise qu’en cas de péril extérieur qui menacerait la nation. Ah ? Fort bien. Notre armée est en alerte à Guergarate avec un Polisario plus nerveux que jamais et un pouvoir militaire algérien aussi irascible que toujours. L’Union européenne veut, dit-elle, « le consentement du peuple sahraoui » pour continuer de commercer avec le royaume, mais le royaume n’apprécie pas et le fera savoir prochainement, très prochainement même… et dans un mois, le Conseil de sécurité examinera la question du Sahara, avec ces deux nouveaux éléments cruciaux que sont l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche et d’Antonio Guterres à la Maison de verre. Sans compter les offensives contre le Maroc, à l’Union africaine, menées par les inévitables et de plus en plus énervées Algérie et Afrique du Sud.
Tout ceci ne constitue-t-il pas un péril, des dangers, des incertitudes pour le royaume, nécessitant une sorte d’unité nationale sur le plan politique, prolongeant le consensus sociétal déjà acquis ?
Donc, présenter un front interne uni, s’armer d’un gouvernement fort pour affronter les adversités extérieures, et se mettre en marche de cette manière assurée, ne saurait fonctionner qu’avec un gouvernement d’union nationale.
Et le PJD, dans cette configuration ?
Il devra être aux commandes, étant le parti qui, à défaut d’être vainqueur, est celui qui est arrivé premier au scrutin du 7 octobre. Certains, en son sein, comme son numéro 2 Saâdeddine El Othmani et bien d’autres, laissent couler l’éventualité d’un basculement de leur parti dans l’opposition. Voilà le plus mauvais signal à adresser à l’étranger : un Maroc dans le doute. Et ne nous y trompons pas, ce que verront les étrangers est que le front islamiste passe à l’opposition, et dans leur imaginaire, des islamistes dans l’opposition, c’est un signe de troubles à venir. Ce n’est pas vrai, certes, mais allez le faire comprendre à des gens qui ne connaissent pas le pays, mais que le pays voudrait voir investir chez lui…
Dans une sortie de crise politique en forme d’unité nationale, le PJD devrait disposer, en plus bien évidemment de la présidence du gouvernement, d’un bloc solide au sein du gouvernement qui siégerait aux côtés d’un autre bloc, celui du RNI et de ses alliés, en plus de tous les autres partis, représentés au gouvernement « au vu de leurs résultats », pour reprendre une expression constitutionnelle.
Et l’opposition parlementaire ?
Les sceptiques face à cette option de gouvernement d’union nationale affirment aussi qu’il n’est pas sain d’avoir un gouvernement sans opposition, ce qui est exact. Mais n’est-il pas exact aussi que la véritable opposition durant ces 5 dernières années a été menée par la société civile ? Et n’est-il pas vrai aussi qu’un gouvernement peut rencontrer une opposition au sein des rangs de sa propre majorité ?
En définitive, à situation externe et interne exceptionnelle, solution exceptionnelle, avec la nécessité, tout de même, d’une révision constitutionnelle… Cela apporterait de la clarté à la situation obscure que nous connaissons et éclaircirait les propos obscurantistes que nous entendons ici et là.
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