Dernier jour de novembre et la crise est à son paroxysme en Europe. À tous points de vue : la dette n’en finit pas de faire plonger les pays du Sud, les migrants débordent l’Union Européenne (et ça n’est pas l’accord minimal d’hier arraché à la Turquie qui va régler les choses) et puis, bien sûr, il y a la question du risque terrorisme et de la guerre.
On pourrait croire que l’Union Européenne, étant menacée dans son ensemble, réagirait harmonieusement. Après tout, si cette année 2015 a appris quelque chose à quelqu’un c’est que nul n’est à l’abri, à Paris ou à Copenhague. Pourtant, là encore, l’UE n’a d’union que le nom. Paris invoque la solidarité pour lutter contre Daesh en s’appuyant sur l’article 42.7 du Traité de Lisbonne qui détermine qu’il doit y avoir une clause de défense mutuelle des pays membres de l’Otan en cas d’attaque d’un pays mais n’obtient rien, hormis de belles déclarations d’intention et le fait d’avoir pu proclamer sans réclamation la suspension d’un certain nombre de dispositions relatives aux droits de manifestation notamment, ce qui, à défaut d’autre chose, lui permettra peut-être de sécuriser davantage la COP 21, qui démarre aujourd’hui et qui demeure le seul élément restant dans lequel l’UE semble parler d’une seule voix. Ah si, la France obtient autre chose : le commissaire européen aux Affaires économiques et financières a déclaré que l’Europe se montrerait souple à l’égard des dépassements budgétaires de la France. Je cite : « une chose est claire, c’est que compte tenu des circonstances actuelles terribles, la sécurité des citoyens français et européens est une priorité. » Bon, c’est bien, de toute façon, la France n’avait aucune chance de revenir sous la barrière fatidique des 3 % en 2017 comme elle s’y était engagée, mais ça ne constitue toujours pas une réponse coordonnée à la guerre.
Oui, alors justement, ça, c’était ce qu’était censée être l’Union Européenne au commencement : un grand espace dans lequel les frontières seraient effacées. Elles sont rétablies partout ou presque. Pour refuser les migrants d’abord, qui plus que jamais, sont perçus comme un danger, non seulement économique mais aussi sécuritaire (et si c’était dans leur flot que se cachaient les prochains terroristes, même si jusque là il s’agissait d’Européens radicalisés?). Et si on peut dire que la France rencontre peu de succès dans sa demande de soutien contre Daesh, l’Allemagne, championne de l’accueil aux réfugiés, se sent bien seule aussi. Tenez, même la Suède, jusque-là le pays qui a accueilli le plus de réfugiés proportionnellement à sa propre population a fermé ses frontières, déclarant à regret qu’elle ne pouvait faire davantage. Je ne vous parle même pas des pays comme la Hongrie dont l’attitude rappelle une bien sombre période du XXème siècle européen. Même la France, alliée de l’Allemagne sur bien des points veut fermer ses frontières le plus vite possible, bref. Exit l’union des territoires, exit la stratégie globale, chaque pays membre se retrouve confronté à ses propres responsabilités et de gestion globale, point. Donc exit Schengen pour un certain temps du moins. État d’urgence, comprenez.
Ah non, ceci dit, ce n’est pas la Grande-Bretagne qui laisse le plus la France le bec dans l’eau dans cette histoire de guerre. Ainsi, Cameron qui avait sabré le budget de défense vient au contraire d’en annoncer la relance : un « plan de défense stratégique et de sécurité » de 12 milliards de livres sterling de dépenses supplémentaires sur dix ans (soit 17 milliards d’euros), qui seront dégagés au détriment de la police, des aides sociales et des subventions aux entreprises. Et non seulement cela, mais il a demandé jeudi dernier aux communes de repenser l’éventualité de frappes aériennes en Syrie. Le vote devrait avoir lieu cette semaine, alors que samedi, l’opposition notamment travailliste manifestait contre. Bref, un vrai soutien à Paris, quoi.
Par contre, d’autres pays, faisant le même constat que Tryo mais pour d’évidentes raisons différentes, ont décidé de réagir différemment. Et d’entres eux, l’Italie a annoncé un « pacte d’humanité » dans lequel Matteo Renzi lie explicitement sécurité et culture. Résultat, un peu d’argent pour restructurer et concentrer les corps de police, un peu d’argent pour renforcer les, je cite « exigences stratégiques » de la défense et autant d’argent directement pour la culture, avec notamment un plan de rénovation urbaine des périphéries, de nombreuses bourses d’études et même, oui, même ! Un bon d’achat pour chaque italien atteignant ses 18 ans pour accéder à des biens culturels.
Alors que reste-il de la stratégie et de la réponse globale de l’Union Européenne à la guerre ? Walou ou presque. Chacun reste rivé sur ses positions et ses obsessions. Alors, pour ne pas entériner un peu plus l’éloignement, la France et l’Allemagne tentent de faire front commun, tout en n’étant absolument pas d’accord. Du coup, le vice-chancelier allemand et ministre de l’économie Sigmar Gabriel et son homologue français Emmanuel Macron, ont proposé la semaine dernière de lancer un fonds européen de dix milliards d’euros sur trois ans afin à la fois de lutter contre le terrorisme et d’aider les réfugiés. On verra ce qu’il en adviendra mais je gage personnellement qu’il en ira de ce fonds comme il en va du financement de 3 milliards demandés par la Turquie pour retenir les migrants : l’UE va mettre 500 millions sur la table, demander aux pays membres d’avancer le reste, Chypre va refuser parce que diplomatiquement, ce n’est pas possible, la France va dire oui mais demander des garanties impossibles et les autres vont conditionner leur accord à l’accord du reste de l’UE. Bref, on va en parler et ça ne va pas avoir lieu, quoi.
Poster un Commentaire