Il n’est pas vain, de temps à autre, de faire la Chronique de la Raison Médiatique… Cette chose, encore informe, mais qui ne demande qu’à porter son vrai nom, de revêtir fièrement son concept. Et ainsi, fixer ses modalités, – causes, effets, articulations… Sa complexité, si tant est qu’elle le veuille bien, Chronique de la Raison Médiatique, donc.
Et, pour l’exemple, revenir sur l’une des manières, dont elle opère, cette étrange raison… Ainsi, donc, voici les faits, étrangement présentés, mais c’est ainsi, Raison Médiatique oblige : la mort ou pas du Ben Laden du Sahara.
Cela sonne presque, au départ, comme une sorte de titre de film, n’est-ce pas ? Et pour sûr, Raison Médiatique… Obligés que nous sommes, il faut que nous soyons, face à l’information, d’abord, comme au cinéma.
Le Ben Laden du Sahara.
Cinéma, donc.
Oui, mais peut-être pas seulement…
Nécessité, aussi, de proposer, ou plutôt non, d’exposer, d’inaugurer, en boucle, c’est là l’un des moyens désormais possible – l’idée que rien qui ne puisse se voir doubler, ne pourra plus jamais être montré, plus d’un millions de fois par heure.
Le Ben Laden du Sahara, porte son nom, dans les médias…
Son nom d’acteur, dira-t-on : Mokhtar Belmokhtar, quelle consonance, quelle musique de redondance… Du reste, c’est un fait qu’elle invite immédiatement, au prolongement qui conduit nécessairement à la fabrication du double…
Et voilà, tout est fin prêt : comme en une sorte d’éternel retour de l’original, comme pour Oussama, voilà que continue la chronique d’une mort de nouveau annoncée. Mais, qui si l’on s’en remet aux faits, et seulement aux faits, n’a pas encore été prouvée : le sera-t-elle jamais, du reste… Et doit-elle seulement l’être, en vérité ?
Pas grave, au fond, puisque Oussama, le premier, s’il est mort, et n’a jamais été enterré, pourrait bien, si une lame de fond médiatique le fait remonter de son caveau marin, revenir comme un cauchemar nécessaire, hanter, via son double, sa doublure, la surface lisse de nos écrans, plus tactiles que jamais…
Alors, entre Oussama et Mokhtar, entre Ben Laden et Belmokhtar, lequel est le plus mort ? Et lequel vit encore ? Mort et résurrection.
Mais aussi, permutation.
Et en vérité… Et au fond, principe d’accumulation dont cette Raison Médiatique sait et doit user, comme de la constitution d’un véritable capital… Oui, il y a de la thésaurisation dans cette nouvelle économie narrative, dans ce récit qui fait aujourd’hui un usage terrifiant de l’archétype, plus qu’elle ne s’intéresse au fait, et à leur validité… Validité, n’était-ce pas, longtemps, le vrai nom du journalisme… Du vrai, du seul, du véritable.
Celui qui, longtemps, voulu que sans les faits, rien ne pouvait être vrai, que tout s’effondrait… Que rien n’était, en vérité. Quand le journalisme, du Réel, faisait profession… Lorsque jamais il ne prétendait le doubler, pour le laisser loin, très loin derrière lui.
Alors, qui est mort, et quand ? Et qui vit encore, d’Oussama, ou de Mokhtar, de Ben Ladden, ou de son double dont le récit, plutôt que de relever du journalisme, pourrait, bien, avec tant d’autres, apporter le début d’une démonstration à laquelle il faudra bien travailler un jour, ensemble, car cette affaire, qui ne fait que commencer, transfigure notre rapport au Réel, invente la réalité sans l’avis du Réel. Ceci, longtemps, porta un nom, celui de Mythologie… La mort de Mokhtar Belmokhtar, un mythe, donc ? Peut-être, car même si son corps venait à être découvert, la vérité, dans ce récit, n’a plus la même utilité.
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