Les petits-frères ont failli. Dans un bus, ensemble, une jeune fille ils ont insultés, agressés et violés.
Dans le monde de liberté individuelle et de responsabilité personnelle qui est en train d’être le nôtre, c’est d’abord et avant tout de leurs défaillances et de leurs manquements dont il s’agit. Mineurs peut être, responsables certainement ! Mais comme ce monde de liberté individuelle n’est pas encore totalement le nôtre, le fardeau de la culpabilité ne pèse pas exclusivement sur eux seuls.
Nous devons en prendre notre part, aussi infime soit-elle.
En premier lieu, les passagers du bus. Insensibles à la détresse de cette jeune fille que l’on agresse, à cette innocence que l’on assassine devant leurs regards impavides et leurs bras croisés. Au mieux, ils ont détourné le regard. Peut-être par peur, certainement par lassitude, par à quoi bon intervenir quand au fond une vie, une souffrance n’as plus grand importance dans le Maroc d’aujourd’hui ou seuls comptent les résultats et la loi du plus fort et du plus malin ?
S’ils se sentent assez forts et assez surs de leur impunité pour l’agresser, c’est qu’au mieux ils ont raison de le faire ou à tout le moins que leur victime mérite ce qui lui est fait. Peut-être ont-ils un cousin policier, magistrat ou militaire ? Et qui moi me protégera contre eux ? Très certainement personne !
Et puis après tout, ce n’est qu’une banale question de viol ! Il ne s’agit pas d’une fille à la jupe trop courte ou au maquillage trop appuyée que la foule doit sans attendre éduquer par des coups, des insultes et des quolibets. Il ne s’agit pas non plus d’un mécréant qui mange, boit ou fume publiquement ce qui justifierait alors l’intervention immédiate de toutes et tous pour faire cesser l’affront à la religion.
Non, il ne s’agit que d’une jeune fille seule dans un bus, sans doute à la recherche de distractions.
Et ce conducteur de bus ? Qui continue à conduire tranquillement alors que dans son bus on agresse et on viole ? Ne peut-il pas simplement demander ce qu’il se passe dans son bus ? S’arrêter à hauteur d’un policier à un carrefour ? Appeler la centrale ?
Non, dans un élan de professionnalisme exacerbé, il lui faut vaille que vaille exercer son office, conduire ce bus jusqu’au bout du trajet. Rien ni personne ne doit arrêter le casa express. Une forme de zèle assez inédite pour celles et ceux qui connaissent les transports publics casablancais.
Et nous me direz-vous ? Que fait la grande masse des apathiques qui subissent quotidiennement les incivilités, les délits et parfois les crimes de jeunes et de moins jeunes ? Une masse confrontée à un déni de justice quotidien et gagnée, élections après élections, par une défiance absolue envers le système judiciaire, ses auxiliaires et ses acteurs.
Que peut-elle faire pour ces petits frères et cette petite sœur ? Elle a délégué la justice à des professionnels qui ont majoritairement décidé de la monnayer. Cette délégation s’est avérée désastreuse et le lien entre la justice et les justiciable est irrémédiablement rompu.
La solution pour rétablir ce lien de confiance ? Les jurys populaires.
Oui, définitivement, le jury est une source de bonne justice avec certes les limites inhérentes à l’humanité lorsqu’elle est appelée à accomplir cette tâche nécessaire et redoutable : juger les crimes de son prochain.
Les jurés, nos frères en humanité, tout comme l’accusé d’ailleurs, peuvent redonner du sens à l’idée de justice, en faire l’affaire de tous. Et ce faisant recréer du lien social, ce lien qui nous fait tant défaut et qui explique la passivité de nos concitoyens face aux violations quotidiennes de la loi commune.
Pourquoi ne pas admettre que les exactions graves contre des citoyens et contre des biens publics communs soient jugées par des jurys populaires ?
La justice sera d’autant mieux acceptée si elle est l’œuvre de tous et qu’elle émane du corps social lui-même.
J’en suis convaincu. En mon âme et conscience.
Et vous ?
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