Si tu peux te préparer à une fête religieuse sans rien reporter aux lendemains de cette fête, accomplissant ton devoir sans arborer une mine défaite,
Si tu peux conduire ta voiture cent mètres plus loin de l’endroit où tu vas, que tu ne l’abandonnes pas au milieu de la voie, juste en face de là où tu vas, et que tu renonces à te garer en double, ou triple, file,
Si tu peux accepter que ton interlocuteur pense différemment de toi, sans l’insulter ni le détester,
Si, haut fonctionnaire, tu sais agir et que tu agisses sans n’avoir besoin d’aucune royale colère ni d’une remise à l’endroit par qui de droit, et que tu assumes tes fonctions de la manière qu’elles le doivent et non à la manière dont tu les perçois,
Si, père, tu sais parler avec tes enfants sans les bousculer et si, époux, tu es capable d’échanger avec ton épouse sans la brusquer, sans rien imposer et sans indisposer,
Si tu es capable d’avoir affaire à un policier parce que tu auras commis une infraction, à un gendarme parce que de la loi tu auras fait une violation, et que tu règles ton affaire sans anicroche et sans penser à mettre la main à la poche,
Si, au volant de ton véhicule, à un feu rouge passé au vert, tu sais patienter quatre secondes avant que ceux qui sont devant toi avancent, sans klaxonner, sans lever les bras, sans grimacer ni sermonner,
Si tu peux être ferme en restant intègre,
Si tu regardes un riche sans être envieux,
Si tu croises un puissant sans être médisant,
Si tu peux être généreux et éviter d’être véreux,
Si tu peux aller en justice sans crier préalablement à l’injustice,
Si, fortuné, tu acquiers un véhicule de (grand) luxe sans avoir le réflexe de l’immatriculer dans la capitale Rabat, pour rêver d’être puissant ou moins impuissant,
Si, au café, au snack ou au restaurant, tu ne fumes pas de cigare à forte dose ni, dans l’ascenseur, tu n’allumes une cigarette ou autre chose,
Si tu es capable de ne jamais mentir et de pouvoir te démentir,
Si tu es disposé à pardonner, sans invectiver et t’excuser sans regretter,
Si tu peux croiser l’ambassadeur de France sans penser à la Résidence générale ni crier « je hais la France »,
Si tu peux faire l’aumône sans calculette spirituelle,
Si tu peux égorger ton mouton en décrétant que c’est un spectacle « interdit aux moins de 18 ans »,
Si tu parles couramment en darija, que tu écrives aisément en arabe classique, que tu comprennes correctement le français et que tu maîtrises (presque) parfaitement l’anglais,
Si, déçu ou déconcerté par une quelconque déconvenue personnelle, tu ne penses pas à émigrer ou à obtenir une nationalité autre que la tienne,
Si, à l’hôtel, en séjour au low cost, tu n’as pas le réflexe d’emporter avec toi, en quittant les lieux, shampooings, savons et serviettes, et télécommande,
Si, écoutant un ministre parler, tu ne penses pas immédiatement qu’il ment ou nous sert des boniments,
Si, à chaque fois qu’Abdelilah Benkirane surgit, malgré ses crispations, tu ne penses pas à l’islamisme mais que tu songes à la Constitution,
Si, quand tu regardes Monsieur Driss Lachgar et Monsieur Hamid Chabat s’exprimer, tu crois encore à la force de la politique et à la pertinence des politiques,
Si, quand une élection approche, tu te fais violence pour suivre au moins deux émissions y consacrées,
Si tu es capable d’envisager un gouvernement en duo Benkirane/Akhannouch sans penser immédiatement à un complot du tahakkoum,
Si, voyant une belle créature passer, et que tu ne puisses t’empêcher d’admirer l’harmonie de sa silhouette, tu le fais discrètement, sans commenter, harceler, héler ou éjaculer,
Si tu es capable d’être musulman sans souhaiter à ceux qui ne le sont pas les pires tourments,
Si, à chaque fois que tu parles de ton pays, tu n’éprouves pas le besoin de lui coller le terme exception, qu’il n’est pas plus que les autres nations,
Si tu peux écouter le présent propos sans en insulter l’auteur,
Alors, mon fils, tu auras la reconnaissance des Grands et même des Glands, tu auras la prestance des Bons et la conscience des Justes mais, au-delà de cela, tu seras un citoyen, mon fils.
Poster un Commentaire