Villas et bidonvilles, berlines de luxe et carrioles hippomobiles, escarpins et chaussures en plastique, le Maroc est le pays des contrastes. Le Maroc est contrastes. Le Maroc en tant qu’Etat est plutôt riche, sa population dans sa grande majorité plutôt pauvre. Beaucoup de sans-dents au sens littéral, pour parodier un ancien président français dont la présidence a manifestement manqué de tout et notamment de mordant. Beaucoup de sans-dents parce que notre système médical est aux soins intensifs avec un pronostic vital sérieusement engagé. Et malheureusement aucun médecin à son chevet si ce n’est de lugubres Sganarelle.
Beaucoup de sans-éducation aussi, parce que l’école publique a failli, et que l’école privée est chère, très chère surtout si elle est de qualité. Et sans école publique de bonne facture, aucune égalité des chances n’est possible. Sans école publique de qualité, aucune place pour le mérite individuel, aucune possibilité de s’extraire pacifiquement de sa condition. Beaucoup de sans-domiciles décents aussi, parce que bizarrement dans un pays aussi vaste avec beaucoup de terres collectives, le foncier est cher, très cher. Hors d’accès, de la majorité de la population surtout pour la légion constituée de celles et ceux payés au SMIG. Avec un SMIG à peu plus de 2500 dirhams par mois, on est plus proche du travail forcé que du salariat.
Beaucoup de mosquées et beaucoup de mots d’ordre religieux affichés partout, dans les rues, les voitures, les maisons quand ce n’est pas à même le front. Et pourtant si peu de spiritualité, de compassion, de solidarité et de justice. Beaucoup de religion dans le contenant et très peu dans le contenu. En droit, on appelle cela une tromperie sur la marchandise. Beaucoup de justice affichée et très peu de justice pratiquée. Trop de juges qui souvent ne disent pas le droit mais le rapport de force, beaucoup trop d’avocats qui privilégient l’intermédiation à la pratique du droit, beaucoup trop de prisons remplies par des miséreux et des sans-grades plutôt que par des personnes néfastes à la société.
Ces contrastes sont sans aucun doute difficiles à vivre. Et dans ce cadre, avoir un psychiatre à la tête du gouvernement fait certainement sens. À défaut de pouvoir réduire toutes ces inégalités, peut-être apprendrons-nous avec lui à les accepter encore un peu. La critique est facile me direz-vous. Moins aisé est de proposer des solutions constructives. Et bien non, des solutions existent.
Les marocains ne sont pas des êtres résignés, ils savent protester, et se révolter. Le vent de cette protestation pacifique s’est levé et il deviendra je l’espère, non un cyclone destructeur, mais un orage d’espérance. Les marocains n’attendent plus les bras croisés des solutions qui ne viennent jamais. Maintenant, ils veulent être acteurs de leur destin et trouver eux-mêmes des solutions à leurs problèmes. Ce que la Constitution leur permet.
La solution aux différents maux qui affectent le Royaume se résume en quatre mots « éducation, santé, travail et justice » pour tous. Et pour y parvenir, un seul véritable moyen, une réelle redistribution des richesses. Les niveaux élevés d’inégalité de revenus sont non seulement une faute morale, mais aussi une faute d’un point de vue économique. Dans la configuration qui est celle du Maroc, la redistribution de la richesse au moyen d’un impôt juste aurait pour conséquence de réduire positivement les inégalités et ce faisant de générer une croissance significative de l’économie.
Le soutien aux classes moyennes et populaires est la clé. Lui seul permettra de réduire l’inégalité des revenus et de renforcer la cohésion nationale.
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