On décrit trop souvent Daech comme une organisation moyenâgeuse. C’est faux à double titre : d’abord, personne, véritablement personne, au moyen-âge et autour de la méditerranée, n’a jamais encouragé le suicide. Ensuite, Daech est moderne, si ce n’est post moderne. Daech, est californienne. Elle nous vient de la Silicon Valley. C’est l’Uber de la terreur.
Daech est une marque qui maîtrise parfaitement sa communication. Comme Apple, elle laisse les médias faire sa promo. Elle n’a pas besoin d’acheter des encarts publicitaires dans la presse, des spots télé ou radio. D’ailleurs, oui, je prends un risque, là — mesuré, j’espère.
On peut faire l’histoire de la marque Daech. Elle a construit sa notoriété avec une communication de rupture particulièrement innovante : elle a tourné et diffusé des snuffs movies. Ces films d’assassinats qui, jusque là, n’existaient que dans la littérature épouvantée des auteurs comme Brett Easton Ellis ou le cinéma d’horreur de la génération de Quentin Tarantino. Les communicants de la marque Daech, nourris de cette culture, l’ont utilisé pour, dit-on en marketing, installer son territoire. La part de rêve, ou plutôt de cauchemar, associée à la marque, dirait Karl Lagerfeld.
Passé la première année, peut-être pour des raisons de coûts, on ne sait pas, la boîte de prod’ de Raqqa a préféré délocaliser sa communication. La production des films a été outsourcée… aux grands médias du monde global. Daech ne fait plus que la partie « événementiel ». Son cœur de métier : facilitateur de la mort, en live. C’est le produit. Aux networks de parler pour elle et de maintenir sa réputation. Ça lui fait moins de travail.
Même le recrutement est délégué aux grands groupes médias. D’abord, plutôt que de dénoncer Daech comme une secte mafieuse, ils entretiennent la confusion entre Daech et une religion. Ce qui trompe les prospects sur la qualité de l’employeur.
Ensuite quel post-adolescent de psychologie fragile et en situation d’échec social, qu’il soit petit voyou ou trentenaire chauffeur-livreur en instance de divorce, pourrait résister au matraquage permanent d’un message disant en substance : « Déprimé ? Au bout du rouleau ? Avant de passer à l’acte, connectez-vous sur la plateforme Raqqa.com ou son plus proche représentant près de chez vous. Le drapeau noir assurera votre célébrité posthume à la télé. 20h et access prime time garantis, avec déclarations de chefs d’Etats en prime. » Si la performance est aux standards exigés par la franchise, Daech appose son logo.
Même Andy Warhol est dépassé.
Daech embauche des auto-entreneurs en pulsion suicidaire. C’est l’Uberisation de la mort, live.
Pendant ce temps-là, Alan Vega nous a quittés. L’occasion de réécouter son Ghost Rider.
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