On le sait, vendredi 7 octobre est jour de votation nationale, législative. Une vingtaine de partis concourent et ont présenté leurs listes.
1385 listes pour près de 7.000 candidats et candidates, et 15 millions d’électeurs/électrices qui devront les départager. Et comme à chaque fois, l’élection est historique, dit-on… un terme tellement galvaudé qu’il ne signifie plus grand-chose.
Mais justement, après le vote effectivement historique de 2011, celui du 7 octobre le sera également. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons.
1/ Il est historique parce que, encore une fois, après 2011, le suspense est total. Les deux partis dominant la scène politique marocaine ont nombre d’atouts à faire valoir pour remporter le scrutin, avec à la clé, la fonction de présidence du gouvernement. S’il apparaît certain aux yeux de certains que le PJD l’emportera, rien n’est moins sûr pour d’autres. Le PJD est urbain, incontestablement urbain, et ne parvient pas encore à creuser son sillon dans les verts et moins verts pâturages de la campagne ; le PAM est rural et œuvre tant bien que mal à se frayer un chemin dans les rues et artères des villes. L’incertitude est donc totale car au Maroc, depuis au moins deux élections, on ne traficote plus les résultats, en amont et en aval d’un scrutin.
2/ Le vote est historique car son enjeu est désormais sociétal. Dans les années 90, les enjeux des élections et surtout des luttes entre le palais et les partis du Mouvement National étaient politiques. Il s’agissait de consolider la monarchie et les partis luttaient pour exister. Dans les années 80, 90 et jusqu’en 2007, les débats portaient bien moins sur les questions politiques, et s’intéressaient à l’économie, la croissance, l’emploi etc. Aujourd’hui, et bien qu’aucun parti n’en parle vraiment, se contentant juste de les effleurer, les véritables questions qui se posent sont sociétales, et se résument à celles-ci : quelle société voulons-nous ? Souhaitons-nous nous ancrer davantage dans le conservatisme et la tradition ou, à l’inverse, aspirons-nous à une société résolument plus ouverte sur le monde, avec ses libertés, ses principes de tolérance, ses idées de sécularisation de la politique, ses valeurs d’égalité entre les genres ?…
Dans le Maroc de 2016, la société est réellement scindée en deux, entre ceux qui se proclament modernes et progressistes, et ceux qui, en face, clament leur attachement aux valeurs marocaines en refusant de consentir à toute concession dans ces valeurs. Et l’enjeu sera de les départager.
3/ L’élection est historique, enfin, en cela qu’elle devrait, normalement, conduire à l’effacement des partis traditionnels, ceux du Mouvement National (Istiqlal et USFP) ou ceux dits de l’Administration (RNI, UC et d’autres). Ces partis devraient reculer, chacun pour des raisons inhérentes à son histoire passée et à son positionnement et direction actuels. En France, le Parti communiste se morfond avec 2 à 3% des suffrages contre 15 et même 20% dans les années 70. En Espagne, plus récemment, les deux partis traditionnels ont cédé sous les coups de boutoir de Podemos. En un mot, il n’existe pas de parti pérenne dans des sociétés par essence en mutation permanente.
Le scrutin du 7 octobre sera donc historique à plus d’un égard, comme nous l’avons vu, et la scène politique devrait s’éclaircir dans les mois, voire quelques années à venir. Mais il reste deux grandes inconnues.
1/ Si le PAM conquiert la première place vendredi 7, il aura gagné ses lettres de noblesse comme nouveau grand parti dans le nouveau champ bipolaire de la scène politique nationale. Il aura face à lui un PJD un peu penaud d’avoir perdu, mais gardant tous ses crocs pour l’avenir, emmenant avec lui la frange conservatrice d’une société largement conservatrice (mais qui ne vote pas toujours). Si, en revanche, le PAM venait à perdre, et à lourdement perdre, il devra se résoudre à céder la place de grand parti à un autre, qu’il faudra inventer. Le RNI semble tout indiqué pour remplir ce rôle, lui qui a gagné en maturité avec ses 40 ans d’âge, et qui aura aussi une présence fort honorable dans le gouvernement Benkirane.
2/ Qu’en sera-t-il des autres formations, qui se veulent grandes mais qui le sont de moins en moins ? Que deviendront l’USFP, l’Istiqlal et, dans une moindre mesure, l’UC et le MP ? Ces partis devront se résoudre, pour les premiers, à connaître le sort de l’UNFP, moribonde mais qui tient toujours par la peau, et pour les seconds, à disparaître. Il reste cette nouvelle création, la Fédération de la Gauche démocratique qui, bien que sympathique, ne saurait tenir le choc des grands se disputant le clivage et les enjeux sociétaux que nous avons décrits.
On le voit donc, cette élection n’est pas comme les autres, car elle est une élection de rupture avec le passé approximatif de la politique marocaine. Et elle est aussi, et surtout, une élection d’ouverture sur un avenir à inventer, après que le passé ait été inventorié ces dernières années.
Rendez-vous donc le 7 octobre, dans les bureaux de vote, et plus nous serons de citoyens à aller voter, plus la politique dans ce pays s’en portera mieux, et tout le pays avec.
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