C’est ainsi que parlait, en son temps, la sagesse antique. Et l’on sait que si les savoirs vieillissent, tombent en désuétude, ou subissent le régime implacable de l’obsolescence, au mieux, de la moquerie, la Sagesse, simple, pure et lucide, traverse les âges.
Cela ne veut pas dire qu’on l’écoute, qu’on la fait sienne, qu’on l’applique.
Mais ne pas l’avoir pratiqué, ou en faire l’usage supposé, nécessaire ; faire en somme, comme si elle n’existait pas, cela peut conduire l’Homme, la Communauté, – la Société, dira-t-on aujourd’hui, sinon à sa perte, sinon au chaos total, du moins à en payer le prix, que l’on espère toujours minimal, quand on aime la paix, ou qu’on exècre la violence, quelles que soient les formes qu’elle prend. Aujourd’hui, n’ayons pas peur de dire la violence emprunte de nombreux chemins, tant de modalités, tant de langages, aussi différents que froids, les uns les autres !
« Si tu veux la paix, œuvre pour la Justice »…
Rien de bien compliqué au fond, dans cette maxime, mais qui peut aussi se lire comme une sentence, une invective aux Hommes de tous les temps… Oui, car l’Injustice, en vérité, est peut-être bien, à elle seule, la mère de tous les vices ; comme une sorte d’affreuse usine de l’Histoire des violences perçues, vécues, et données en retour… Pourquoi en retour ?
Car seule l’injustice, lorsqu’elle est exercée, lorsqu’elle a été élevée en principe global, régissant presque tout, seule l’Injustice produit, presque naturellement, le Ressentiment, qui, à son tour, produit, fabrique, l’Homme du ressentiment : le plus hideux des Hommes, dira Nietzsche.
L’Injustice, de fait, est bien l’un des plus puissants ressorts de l’Histoire ; elle ouvre des perspectives rares, trace la route par laquelle passera la violence, devenue, elle, toujours juste et toujours excusable, pour celui qui s’y livre.
« Si tu veux la paix, œuvre pour la Justice »…
N’est-ce pas ces mots, simples, précis, compréhensibles partout, et par tous, qu’il aurait fallu écrire, au fronton des institutions économiques de ce monde qui, ayant élevée la croissance au rang, non plus d’idéologie, mais de dogme – il n’est pas une femme, un homme politique qui, pour rassurer sur ses intentions fussent-elles de droite ou de gauche, ne l’emploie, – la Croissance, toujours bien appuyée, pour bien montrer qu’on ne touche pas à l’idole… Et qu’en son nom, les décisions les plus folles, peuvent être prises, les injonctions les plus paradoxales, peuvent rendre fou les êtres les plus fragiles, tant psychologiquement, que vulnérables socio-économiquement…
Ces êtres, ils sont partout, ils se comptent en millions, probablement en milliards… Leur drame ? Leur malheur ?
Être tout simplement trop faibles pour le monde qui vient, et parmi ce qui rend faible, il y a, bien sûr, ce qui rend fou, ce qui désaxe…
L’idée, merveilleuse, que l’on soit l’égal de l’Autre, quelle que soit sa condition, l’idée que des Droits existent, qu’ils sont là, et qu’il n’y a qu’à se baisser, pour s’en servir, droits divers et variés, en veux-tu, en voilà ! Mais, en vérité, la faim, le froid, la promiscuité, l’humiliation, la saleté, tout cela donne-t-il envie de prendre possession de sa conscience, pleinement, de ses droits à la Liberté, à la Parole, à la Politique ; la rage d’un corps perpétuellement nié, et les désirs, lorsqu’ils sont impossibles, chaque jour, à combler, tous les désirs, cela fait-il un humain, un vrai vivant ?
Écrire l’Histoire immédiate de notre société, – une gageure en soi -c’est écrire sa sortie, récente, d’un monde autre ; celui d’une Tradition, ou si l’Égalité n’avait pas sa place, historiquement, l’Injustice était, elle, clairement désignée comme le pire des danger, elle portait en elle ce que nous nommions Fitna, – Épreuve, – et qui était, d’un point de vue social, notre pire ennemi… Savoir nommer ses ennemis, lorsqu’ils sont les fils de l’Injustice, voilà, en vérité, le seul travail, la seule chose qui compte, en ce pays.
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