Violeurs. Faites une carrière de chanteur!
A croire que la présumée victime n’existe pas, ses droits d’ester en justice non plus. La manifestation de ce dimanche 27 novembre, devant le Consulat de France, en soutien de l’artiste marocain Saad Lamjerred accusé de viol aggravé en France sur une jeune femme de 20 ans, passe de tout commentaire. La victime présumée n’est citée à aucun moment lors des slogans portés essentiellement par des femmes criant « libérez Saad » en pleine procédure criminelle, « Saad Ouled leblad », « Saad, on te vengera par le sang ». Si la justice française garantit les droits des deux parties, car il existe bien deux parties dans ce type d’enquête criminelle, une « supposée victime » et un « présumé innocent », il n’en est rien chez nous, à la lecture de cette manifestation que certains appellent « la manifestation du viol », une façon d’assigner les supposées victimes du viol à la culpabilisation et donc au silence.
Pour l’instant et étrangement, la société civile et les associations ne réagissent pas ou très peu aux conséquences néfastes de la légitimité du viol qu’entraîne ce type de soutien populaire, notamment auprès des jeunes adolescents dans leur recherche du modèle à suivre. Un jeune garçon de 16 ans qui regarderait cette manifestation du dimanche serait enclin à violer une jeune fille qui serait en sa présence de son plein gré, les adultes ont tranché ce dimanche et lui ont montré la voie.
Suffit-il d’être un chanteur pour s’attirer la compassion et le soutien quand on est accusé de viol? La réponse est oui,
du moins à la lumière de cette manifestation du dimanche. Et quelle image donnera cet événement à la lutte contre les violences faites aux femmes au Maroc, et à l’étranger, quand on sait que des jeunes filles violées n’osent même pas porter plainte, il y a deux ans à peine, le violeur épousait sa victime pour éviter la prison? Le feront-elles aujourd’hui? Les lois et les procédures pénales doivent elles s’appliquer sur tous, sauf les stars, les artistes, les grandes personnalités, les politiques …etc? Car en fin de compte, tous ceux là peuvent fabriquer une solidarité de fanatiques aveugles tirée de la sympathie, légitime certes, gagnée au fil de leur divers parcours? La sympathie et l’admiration au service du crime, en voilà une idée nouvelle qui apparaît et qui sape des décennies de lutte pour le respect des droits des femmes au Maroc. Pourquoi n’arrive-t-on pas à trouver d’exemples de cette manifestation publique dans les pays où les femmes sont considérées des êtres humains à part entière, lorsqu’un homme est accusé de viol? Que serait-il passé si cette même situation s’était produite chez nous au Maroc? Pourquoi cette manifestation n’a-t- elle pas vu le jour en soutien du boxeur marocain poursuivi au Brésil pour harcèlement sexuel, ou en direction de la jeune femme marocaine victime de viol en Belgique, ainsi que des milliers de femmes violées chaque année dans notre pays, dans le silence?
Si les parents du présumé innocent ont besoin d’un tel soutien dans les rues casablancaises, qu’en est-il des parents de la supposée victime? N’ont-ils droit, eux, à rien, parce qu’ils sont français? Nos hommes auraient-ils le droit d’agresser des femmes étrangères parce ces dernières n’auraient pas le « privilège » d’être marocaines? C’est ce que laisse croire ce « consentement meurtrier » fabriqué ce dimanche et organisé par des artistes, des stylistes et, excusez moi, des hommes et femmes de médias!
Alors que la justice française ne s’est pas encore prononcée dans cette affaire, il est fort probable que cette manifestation du dimanche complique la tâche pour le chanteur marocain, étant donné que la justice française est indépendante et que les médias français n’hésiteront pas à demander une procédure sans faille en soutien aussi à la supposée victime française et à ses parents, au vu de cette tentative du dimanche d’influer sur le cours de l’enquête criminelle en question. Les atrocités de la légitimité du viol qui passent par les réseaux sociaux sont une chose, mais qu’elles se manifestent dans les rues casablancaises en face du consulat français, ce même consulat français dont le rôle est de préserver les intérêts français, y compris ceux d’une jeune française qui se dit violée, en France…ceci avec l’aval de nos pouvoirs publics qui ont autorisé cet appel au viol.
Car soutenir dans la rue un homme accusé de viol sur une jeune femme pendant le cours d’une enquête criminelle, que cette femme soit marocaine, française ou danoise, est un appel au viol. Toute tentative de rationalisation du viol doit être condamnée, et si Saad Lamjerred n’a pas violé cette jeune femme, il faut l’espérer, il n’en demeure pas moins que toutes les personnes présentes ce dimanche face au consulat de France ont « violé » non seulement la jeune supposée victime française, mais aussi ses parents, son entourage, la justice française ainsi que les médias français. Quant à toutes les femmes qui seront violées dans le futur dans notre pays, elles savent aujourd’hui ce qui les attend si elles portent plainte. Enfin pour les violeurs en puissance, vous avez compris maintenant: faites une carrière de chanteur!
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