Vulnérables, nous sommes. Vulnérable, le tout petit humain, à qui il faut tout donner, sans compter, pour qu’il puisse, lui, compter sur nous… Cet humain nu, auquel doit, immédiatement être transmis le Désir de Vie, de la sienne, en propre, qui lui apprendra celle des autres… Vulnérables, aussi, ceux qui nous quittent, ayant accompli leur voyage, et qu’il faut entourer, avant le grand départ… Et nous laissent, de la vie, un récit autre… Ceux qui nous laissent, tant d’usages et de raisons de croire, toujours, que la vie vaut la peine d’être vécue, vaut la peine d’être aimée…
Être vulnérable, n’est-ce pas, en vérité, être un Humain ? N’est-elle pas, la vulnérabilité, ce qui pose l’Etre même de notre identité première, et au fond, réelle ? Cette identité qui les vaut et les transcende toutes… Peut-être même la seule, oui, la seule qui vaille d’être défendue… Ainsi une définition autre, elle aussi, de la Culture, une définition liée à son être même, fondamentale, nous apprend-elle, traditionnellement, à traiter la naissance – et avec elle la mort – dans le respect le plus intime de la boucle existentielle qu’elles dessinent. La première, l’entamant, dans la fragilité extrême, cette vulnérabilité qui nous intime l’ordre de la prendre en compte.
C’est ainsi que dans tout groupe, toute communauté humaine, le petit humain qui naît, qui vient, se doit d’être attendu comme n’étant, d’abord et essentiellement que vulnérable… Et doit, normalement, recevoir, les soins vitaux essentiels pour sa survie… Ainsi sera-t-il comme pris dans le faisceau des gestes et des paroles nécessaires qui font et qui disent, gestes et paroles – porteurs de joies et d’inquiétudes, qui sont la responsabilité des parents et des proches. Ils impriment au nouveau-né, lorsque, dira-t-on, l’enfant paraît, combien il est important qu’il vive, ce nouveau et si fragile petit arrivant humain.
Ainsi, rappelons que le rôle de la Culture est de lui donner, très vite, par de la parole et des gestes, le sentiment que rien, ni personne ne peut, ni ne doit, le remplacer. Faire et dire le contraire, c’est-à-dire ne pas situer le nouveau-né, le petit humain dans sa première fonction d’ « être qu’il faut porter » – avec les bras et la parole -, c’est le condamner et, de fait, vouer l’espèce humaine à la disparition…
Ainsi, pour l’exemple, ne verra-t-on jamais la Culture, comme productrice de la parole et du geste, dicter aux Humains des règles contraires à celles que commande la prise en compte par l’Homme de la Vulnérabilité. Et cette prise en compte, si elle vaut, bien sûr, avec une intensité très forte, au moment de la naissance, et bien sûr de la Mort, vaut, ou doit valoir tout le long de l’existence… C’est-à-dire face à la maladie…
Mais aussi, et bien sûr, devant les malheurs, nombreux, qui sont comme des épidémies, anciennes ou modernes, – peste et guerres d’autrefois, et d’aujourd’hui, laissant sur des champs de bataille, certes autres, autant de femmes, d’enfants, de vieillards, d’humains en proie à la souffrance, mais aussi au désir de nuire qui peut encore, de nos jours, inspirer l’Homme… Vulnérable, aussi, l’Humain, face à ce que l’on pourrait appeler, – puisant dans la boîte à outils Foucaldienne, non pas les Institutions humiliantes, mais les grands systèmes déshumanisants…
Vulnérabilité évidente, et largement visible, de millions d’Humains pris dans l’enfer d’une nouvelle géopolitique du désastre, ou bien dans des crises, prévues, systémiques, ces krachs, qui littéralement, jettent des Humains, par millions, hors de la vie. Soit dans la mort ou dans la plus insupportable des précarités. Ainsi la Culture, doit-elle comprise, ici, comme l’ensemble des gestes et des paroles, les deux ne devant pas être disjoints, qui permettent à l’Individu dit vulnérable, mais aussi les groupes humains, les sociétés, d’entendre et de constater, que sa vulnérabilité quelle qu’elle soit, et ce, dans n’importe quelles circonstances, en temps de paix et de guerre, de croissance ou de crises.
Les temps que nous vivons interrogent la question de la vulnérabilité… L’époque n’est-elle pas celle où l’on se moque, si facilement, des pauvres, des malades, des chômeurs, des exclus ; au nom du kitch, de cet humour dit « au troisième degré », on peut, désormais, rire du malheur des Hommes… Alors, rappeler ce qui fonde la Culture, enseigner qu’on ne se moque pas du plus faible, rappeler la place de la Vulnérabilité dans ce qui nous a fait ce que nous sommes, des Humains… Voilà en vérité le seul moyen de durer.
Poster un Commentaire